Lettre à Monsieur Kapil SIBAL Président Groupe de travail sur la détention arbitraire Lettre à Monsieur Kapil SIBAL Président Groupe de travail sur la détention arbitraire Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme

31/08/2001
Communiqué
en fr

Monsieur le Président,

La FIDH souhaite saisir le Groupe de travail sur la détention arbitraire des cas de 52 Egyptiens, arrêtés le 11 mai 2001 au Caire et détenus depuis lors.

Nous avons en effet de sérieuses raisons de craindre qu’ils n’aient été arrêtés et détenus qu’au seul motif de leur orientation sexuelle, en violation flagrante des principes de liberté de conscience, de non-discrimination et du droit à la vie privée, garantis par les instruments internationaux auxquels l’Egypte a souscrit.

Ces 52 hommes ont été arrêtés le 11 mai 2001 au soir, lors d’une descente de la police dans une boîte de nuit du Caire fréquentée par des homosexuels, appelée le Queen Boat.

Ils ont été emmenés dans un poste de police du Caire d’où ils n’ont pu contacter leurs proches ni avoir accès à un avocat. De nombreuses sources concordantes rapportent qu’ils ont été maltraités, voire torturés durant cette première période de détention - à ce jour, ces actes de mauvais traitements n’ont pas fait l’objet d’une enquête approfondie par les autorités.

Le lendemain de leur arrestation, ces hommes ont été présentés devant des membres du Bureau du Procureur et interrogés, toujours sans la présence d’avocats. Ils sont ensuite restés détenus environ six semaines sans être informés des charges exactes retenues contre eux.

Dans un contexte de violentes campagnes de diffamation orchestrées par les médias, leur procès s’est ouvert le 18 juillet devant une cour d’exception, la Haute Cour de Sûreté de l’Etat, créée en vertu de la loi sur l’état d’urgence, et dont les jugements sont sans appel. Même si la loi égyptienne n’interdit pas explicitement les comportements homosexuels, tout porte à croire que c’est l’homosexualité présumée de ces personnes qui a fourni le prétexte des pratiques et mesures ainsi mises en oeuvre par les autorités.

50 de ces personnes sont poursuivies sur la base de la loi N°10/1961 pour " comportement obscène ", accusées de " faire des pratiques homosexuelles un principe fondamental de leur groupe, afin de créer des dissensions sociales, et de s’être adonnés à la débauche avec des hommes ". Deux autres, M. Cherif Farahat et M. Mahmout Ahmed Allam, sont poursuivis sur la base de l’article 98 (f) du Code pénal égyptien pour " offenses à la religion " et risquent une peine allant jusqu’à 5 années d’emprisonnement.

La FIDH considère que l’arrestation et la détention de ces 52 Egyptiens sont arbitraires car elles ne visent qu’à sanctionner leur comportement sexuel, et sont intervenues en violation des dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et en dehors du cadre légal prescrit par les intruments internationaux dûment ratifiés par l’Egypte. Plus précisément, ces faits s’inscrivent en grave violation des dispositions du Pacte international sur les droits civils et politique, qui garantit en ses articles 17, 18, 19 et 26 les principes de liberté de conscience et d’opinion, de non-discrimination et du droit à la vie privée, qui dispose en son article 9§1 et 2 que " [...] nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraires [...] et que tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai de toute accusation portée contre lui " et en son article 10§1 que " toute personne privée de sa liberté est traitée avec humanité et avec le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ".

Au vu de ces données, la FIDH appelle le Groupe de travail à porter toute l’attention nécessaire à ce dossier d’une extrême gravité et à interpeller dans les plus brefs délais l’Etat égyptiens sur ces faits.

Espérant que vous donnerez une suite favorable à la présente requête, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.

Sidiki KABA

Président

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