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La FIDH publie un rapport sur les violences sexuelles en Egypte

La FIDH dénonce des violences qui visent à dissuader toute velléité de participation à la vie publique et écarte ainsi les femmes de la transition politique.

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Publié le 16 avril 2014 à 15h10, modifié le 17 avril 2014 à 07h13

Temps de Lecture 4 min.

Un tribunal du Caire a condamné un Egyptien à un an de prison pour avoir critiqué la tenue vestimentaire d'une femme, qu'il jugeait trop osée.

Depuis la chute du président Moubarak, les Egyptiennes souhaitant prendre part aux diverses manifestations politiques n'ont cessé d'encourir des violences sexuelles exercées publiquement, et en toute impunité, affirme la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) dans un long rapport rendu public au Caire ce mercredi 16 avril.

Ces violences – qu'aucun gouvernement n'a encore cherché réellement à combattre – visent à dissuader toute velléité de participation à la vie publique et écarte ainsi les femmes de la transition politique de leur pays. Une situation choquante dénoncée par la FIDH qui formule toute une liste de recommandations aux autorités égyptiennes, les incitant à manifester d'urgence la volonté politique d'y mettre fin.

AUCUNE PROTECTION

Les dix huit premiers jours de la révolution conduisant à la chute de Moubarak furent étonnamment pacifiques, « magiques » affirment même des femmes, qui étaient étonnées de se sentir en sécurité sur la place Tahrir du Caire, débarrassées du harcèlement sexuel qu'elles expérimentent au quotidien.

Une période « euphorique » qui a rendu le brusque retour des violences « plus choquant » que jamais. Car durant les 16 mois suivant, sous le régime du Conseil Suprême des Forces armées, les manifestantes furent régulièrement les cibles des militaires, battues dans les rues et sujettes à différentes violences en détention, y compris aux tests dit « de virginité » opérés par des médecins hommes ainsi qu'à des menaces constantes de viols.

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Sous la présidence de Mohamed Morsi à partir du 30 juin 2012, les femmes furent régulièrement attaquées par des groupes de jeunes garçons et d'hommes lors des manifestations situées sur place Tahrir ou dans sa périphérie. Des organisations ont documenté plus de 250 cas, dont des viols, entre novembre 2012 et juillet 2013. La police avait d'ailleurs déserté la Place Tahrir, laissant les femmes sans aucune protection, si ce n'est celle organisée par les activistes eux-mêmes.

Lire le témoignage : Article réservé à nos abonnés Place Tahrir, le viol comme crime politique

 DES « PROSTITUÉES VENUES SE FAIRE BAISER »

Même processus à chaque fois : des dizaines d'hommes entourent et isolent une femme, lui arrachent une partie de ses vêtements et se livrent à des attouchements et viols dans ce que certaines ont décrit comme « un cercle de l'enfer ». De nombreux témoins estiment que ces attaques ont été coordonnées et destinées à briser l'opposition.

En février 2013, des organisations de défense des droits des femmes ont d'ailleurs adressé une pétition au président Morsi, afin de dénoncer « le ciblage des activistes féminines pour sanctionner leur participation à la vie publique et les exclure de la vie politique. »

Depuis le coup d'Etat de juillet 2013, la police est revenue sur la place mais n'a pas empêché de nombreuses agressions, accusée souvent d'en être elle-même à l'origine. Le 16 aout 2013, dans la vague des manifestations de soutien à Mohamed Morsi, la mosquée Al-Tawheed a été prise d'assaut par les forces militaires et plus de vingt femmes ont été sexuellement agressées par des officiers, traitées selon une survivante de « prostituées venues se faire baiser ».

On a dénombré depuis de très nombreux cas de violences contre des femmes commises par la police. Des femmes courageuses, victimes de ces attaques, ont bravé le tabou et ont porté plainte. Mais à ce jour, pas un seul agresseur n'a été traduit en justice. Dans la plupart des cas, il n'y a même pas d'enquête.

LE HARCÈLEMENT, UNE PRATIQUE COURANTE

Bien sûr, insiste la FIDH, ces faits sont à replacer dans une société où le harcèlement sexuel est pratiqué massivement dans les rues, les transports en commun, les écoles et universités, et sur les lieux de travail. Selon une étude de UN Women publiée en avril 2013, 99,3 % des Egyptiennes affirmaient avoir été agressées sexuellement, 91 % admettant ne pas se sentir en sécurité dans la rue. Une autre étude réalisée en 2008 par le Centre égyptien pour les droits des femmes révélait que 86 % des hommes interviewés admettaient avoir déjà agressé sexuellement des femmes.

Le harcèlement sexuel tend à augmenter pendant les fêtes religieuses comme Aïd al-Fitr et Aïd al-Adha, quand les rues sont pleines. Cette violence quotidienne entame bien sur la liberté de mouvement des femmes, y compris pour utiliser les transports, ou simplement sortir dans les rues.
Le fait est que la population a le sentiment que les agressions sont en augmentation alors même que, grâce au témoignage de plusieurs victimes, le phénomène est désormais officiellement reconnu comme un vrai problème de société.

La culture de l'impunité prévaut cependant, dénonce la FIDH. La plupart des cas d'agression et viol ne font pas l'objet de rapport ou de plainte. Comment s'en étonner quand on connaît les conséquences auxquelles s'exposent les victimes, le rejet et le stigma attachés au viol, l'hostilité des policiers ou fonctionnaires chargés de prendre les dépositions, la tendance à rejeter la faute sur la femme plutôt que sur son agresseur (« elles n'avaient qu'à pas sortir », « elles portaient une tenue indécente », « la place est un espace masculin »), et la vacuité d'un système de justice plus qu'inadapté.

 ABSENCE DE VOLONTÉ POLITQUE

Le lien entre cette violence envahissante et la discrimination structurelle contre les femmes inscrite dans le droit égyptien ne peut plus être ignoré, estime la FIDH. Il faudrait avant tout une volonté politique pour réformer le système de justice afin d'éliminer toutes les discriminations contre les femmes dans le droit et dans la pratique. Il faudrait une condamnation publique des violences par l'ensemble des leaders politiques et religieux.

Il faudrait des actions de sensibilisation menées à l'échelon national. Et il faudrait d'urgence, outre des mesures visant à former les personnels de la police et de la justice pour accueillir et protéger avec respect les victimes, l'adoption d'une loi criminalisant toutes formes de violence contre les femmes, incluant la violence domestique, le viol conjugal, les violences et harcèlements sexuels, et les crimes commis au nom de l'honneur.

Lire le post de blog : La Toile arabe s’attaque au tabou du harcèlement sexuel

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