Détention du directeur du Centre bahreïni des droits de l’Homme

29/09/2004
Communiqué
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L’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), exprime sa vive inquiétude concernant l’arrestation et la détention de M. Abdul-Hadi Al-Khawaja, un important militant des droits de l’Homme et directeur exécutif du Centre bahreïni des droits de l’Homme(BCHR).

M. Al-Khawaja a été arrêté le 26 septembre 2004 au commissariat de Nabee Saleh, où il a été convoqué deux jours après sa participation à un colloque sur le thème de la pauvreté et des droits économiques au Bahreïn, organisé par le BCHR au Al-Oruba Club.

Il a ensuite été emmené au centre de détention d’Howdh Aljaf et présenté au Procureur, qui l’a placé en détention préventive pour 45 jours. Il a été accusé d’avoir « incité à la haine de l’Etat » et « fait circuler des mensonges et rumeurs » sur la base des articles 165 et 168 du Code pénal du Bahreïn. M. Al-Khawaja risque une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans de prison.

M. Al-Khawaja est actuellement détenu au secret et n’a pas été autorisé à recevoir la visite de sa famille ni de son avocat. Il a informé sa famille par téléphone qu’il allait commencer une grève de la faim et de la parole.

Pendant sa participation au colloque, M. Al-Khawaja a présenté un texte intitulé « Combating poverty in Bahrain : campaigning principles and strategies » (combattre la pauvreté au Bahreïn : principes et stratégies de campagne) basé sur un rapport du BCHR, dans lequel il critiquait la politique du gouvernement. M. Al-Khawaja a abordé la question de la contradiction entre la détérioration des conditions de vie et la forte économie nationale « causée par une distribution inégale des richesses, le gaspillage de l’argent public, la corruption financière et administrative ». Pendant ce séminaire, le BCHR a également lancé une campagne de deux ans afin de créer un partenariat entre la société civile, les institutions en relation et des particuliers pour faire pression afin d’obtenir des réglementations appropriées, des politiques et des réformes pour résoudre les problèmes liés à la pauvreté au Bahreïn.
L’Observatoire est très préoccupé par la détention de M. Al-Khawaja et les accusations qui pèsent contre lui, qu’il considère comme arbitraires car elles ne visent qu’à sanctionner ses activités relatives aux droits de l’Homme et sa liberté d’expression.

L’Observatoire est également très préoccupé par la situation du BCHR. En effet, le 26 septembre, le ministère du Travail a créé un Comité composé de différentes institutions gouvernementales, ayant pour but de « prendre des mesures punitives et judiciaires contre le BCHR ». Ces actes semblent faire partie d’une stratégie visant à fermer le BHCR. A cet égard, l’Observatoire rappelle qu’en octobre 2003 et mai 2004, Dr. Majeed Al Alawi, le ministre du Travail et des affaires sociales au Bahreïn a adressé plusieurs lettres au BCHR, les menaçant de retirer la licence de fonctionnement du Centre s’ils continuaient leurs "activités politiques", car celles-ci contreviendraient à la Loi No. 21 de 1989 sur les sociétés. De plus, le 30 juin 2004, dans un entretien avec la chaîne de télévision Al Arabiya, le Ministre a ouvertement menacé de fermer le BCHR à cause de "ses activités politiques." Le Ministre a appelé le BCHR un "organe politique d’opposition ayant adopté un ordre du jour politique". En outre, Dr. Alawi a critiqué le fait que l’organisation utilise des méthodes telles que des manifestations, des lettres et des articles pour défendre et protéger les droits de l’Homme au Bahreïn.

Finalement, le Al-Orooba Club, où le séminaire du BCHR a eu lieu, a été officiellement fermé par le gouvernement pour 45 jours pour avoir tenu un tel événement.
L’Observatoire considère ces faits comme le signe d’une détérioration significative de la situation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales au Barhreïn. En particulier, l’Observatoire rappelle qu’en mai 2004, vingt deux militants ont été arrêtés pour avoir collecté des signatures pour une pétition adressée au Roi Hamad Bin Issa Al Khalifa. La pétition critiquait les amendements à la Constitution adoptés en 2002 et demandait que plus de pouvoir soit attribué aux membres élus du parlement.
L’Observatoire exhorte les plus hautes autorités du Barheïn à :

i.garantir en toutes circonstances l’intégrité physique et psychologique de M. Al-Khawaja, et vieller à ce qu’il ait accès à son avocat et ses proches ;

ii.procéder à la libération immédiate et inconditionnelle de M. Al-Khawaja et abandonner les charges pesant contre lui, celles-ci étant arbitraires ;

iii.mettre un terme aux pressions sur le BCHR ;

iv.se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les Défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 9 décembre 1998, en particulier son article 1 qui prévoit que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international », son article 6b et 6c qui prévoient que « chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, conformément aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme et autres instruments internationaux applicables, de publier, communiquer à autrui ou diffuser librement des idées, informations et connaissances sur tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales [...], d’étudier, discuter, apprécier et évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et autres moyens appropriés, d’appeler l’attention du public sur la question »

v.respecter la Déclaration Universelle des droits de l’Homme et tous les autres instruments internationaux auxquels le Bahreïn est partie.

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