QUATRE ORGANISATIONS INTERNATIONALES DES DROITS HUMAINS APPELLENT LA COMMISSION DE L’ONU A ASSUMER SES RESPONSABILITES ENVERS L’ALGERIE

15/04/1998
Communiqué
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Il ne reste que sept jours avant la clôture des travaux de la Commission des droits de l’homme de l’ONU, et à cette date, aucune initiative n’a été prise - ni même proposée - concernant l’Algérie. Entre-temps, en Algérie, des enfants continuent d’être massacrés, des femmes sont enlevées et violées, et des hommes arrêtés chez eux "disparaissent" dans la nuit. Aujourd’hui, Amnesty International, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Human Rights Watch et Reporters Sans Frontières tiennent une conférence conjointe et appellent la Commission des droits de l’homme de l’ONU à agir face à la situation en Algérie.

En six ans de violence, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées. Six ans, cela représente un très long silence de la Commission, qui est restée un témoin à part et muet face à une crise des droits humains dont l’ampleur n’a interpelé la conscience internationale que sporadiquement.

"Combien de morts faudra-t-il encore pour que la Commission se décide enfin à ne plus détourner son regard de la souffrance des victimes algériennes ? Il est temps que les membres de la Commission cessent de se retrancher derrière un discours de mauvaise foi. Trop de prétextes ont été avancés pour justifier le manque d’action de la part de la Commission, ce qui en fait équivaut à une discrimination envers les victimes de la tragédie algérienne", a déclaré Pierre Sané, secrétaire général de Amnesty International.

On est en droit de s’attendre à ce que l’organe de l’ONU qui est responsable avant tout de la protection et de la promotion des droits humains assume ses responsabilités et agisse de façon conséquente face à la situation des droits humains en Algérie.

"Nous ne prétendons pas que la désignation d’un Rapporteur spécial et la mise en place d’une enquête internationale puissent résoudre la crise, mais nous sommes convaincus que ces mesures sont cruciales et nécessaires pour briser le cercle infernal de la violence et de l’impunité qui sévit aujourd’hui en Algérie. Notre demande est aussi réaliste qu’elle est indispensable", a affirmé Joanna Weschler, représentante de Human Rights Watch à l’ONU. "Ce n’est pas quelque chose d’abstrait. Il est question de sauver des vies humaines. Chaque Etat membre de la Commission aura sa lourde part de responsabilité si ces travaux s’achèvent sans que rien n’ait été entrepris", a ajouté Joanna Weschler.

Depuis le début des travaux de la Commission il y a quatre semaines, des centaines de personnes ont été tuées en Algérie, la torture continue a être pratiquée et les familles des "disparus" cherchent toujours à savoir si leurs proches sont encore en vie ou s’ils sont morts. Dans le même temps, le gouvernement algérien continue de refuser l’accès au pays aux Rapporteurs spéciaux de l’ONU ainsi qu’aux organisations internationales des droits humains.

"La pratique largement répandue des exactions extrajudiciaires a conduit à la déliquescence de l’Etat de droit. A ce jour, les autorités algériennes n’ont pris aucune mesure concrète pour mettre fin à cette situation et les responsables des crimes et des abus continuent à bénéficier de l’impunité. Au vu de cette réalité, il est indispensable que la Commission agisse et le gouvernement algérien, en raison de ses obligations face au droit international, est tenu de coopérer avec la Commission dans le cadre d’une telle action", a déclaré Patrick Baudouin, président de la Fédération Internationale des Droits de l’Homme.

Robert Menard, secrétaire général de Reporters Sans Frontières, a affirmé que "le contrôle systématique de l’information par les autorités favorise l’impunité des groupes armés et des forces de sécurité qui se rendent coupables de violations massives des droits humains. Les assassinats de quelques 60 journalistes demeurent à ce jour impunis ; s’il est évident que dans la majorité des cas ces assassinats sont imputables aux groupes armés, certains d’entre eux ne sont pas le fait de groupes armés, mais probablement de certains cercles proches des autorités". Robert Menard a ajouté que "des journalistes continuent d’être poursuivis pour atteinte à la sûreté de l’Etat ou outrage à corps constitué, que l’accès au pays pour les journalistes étrangers est limité ou refusé, et que ceux qui peuvent s’y rendre sont obligés de travailler sous la surveillance des forces de sécurité".

Amnesty International, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Human Rights Watch et Reporters Sans Frontières demandent à la Commission des droits de l’homme de désigner un Rapporteur spécial sur l’Algérie, qui — avec le soutien des mécanismes thématiques appropriés de la Commission ainsi que celui d’autres experts techniques — devrait mener instamment des visites sur le terrain et soumettre un rapport à la Commission ainsi que des recommandations pour des actions ultérieures. Cela constituerait un premier pas pour faire face à la situation et pour assurer une transparence ainsi qu’un suivi à long terme.

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