Lettre ouverte : deux ans d’emprisonnement requis à l’encontre de M. Abderrahman Amine Sidhoum

08/04/2008
Communiqué

LETTRE OUVERTE A L’ATTENTION DE M. BOUTEFLIKA, PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE D’ALGÉRIE

Paris-Genève, le 8 avril 2008

Re : Deux ans d’emprisonnement requis à l’encontre de M. Abderrahman Amine Sidhoum

Monsieur le Président,

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), la Commission internationale des juristes (CIJ), le Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH), l’Union internationale des avocats et le Collectif des familles de disparu(e)s en Algérie (CFDA) vous font part de leur plus vive préoccupation quant aux deux années d’emprisonnement requises à l’encontre de M. Abderrahman Amine Sidhoum, avocat et membre de SOS Disparu(e)s, lors de l’audience qui s’est déroulée le 30 mars 2008 et pour laquelle l’Observatoire avait mandaté une mission internationale d’observation judiciaire.

En effet, le 30 mars 2008, le procès pour diffamation de Me Amine Sidhoum a eu lieu devant la première section pénale du Tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. Près de 70 avocats étaient présents pour manifester leur soutien et protester contre le harcèlement subi par Me Sidhoum depuis plusieurs années.

Me Sidhoum est accusé "d’avoir jeté le discrédit sur une décision de justice et d’outrage à corps constitué de l’État". Ces poursuites sont liées à la plainte déposée, le 23 août 2006, par le ministre de la Justice pour "diffamation", en lien avec la parution d’un article dans le quotidien El Chourouk, le 30 mai 2004, dans lequel Me Sidhoum était accusé d’avoir dénoncé la détention de l’un de ses clients "suite à une décision arbitraire rendue par la Cour Suprême", alors même que la Cour Suprême ne s’était pas encore prononcée.

Le 27 mai 2007, Me Sidhoum avait reçu un télégramme lui notifiant sa convocation devant la 6ème chambre d’accusation de Sidi M’Hamed, à Alger, le 12 juin 2007, suite à une demande de complément d’information effectuée par le procureur dans le cadre de ces poursuites. L’audience du 12 juin devait permettre une confrontation entre Me Sidhoum et une journaliste du quotidien El Chourouk, mais cette dernière ne s’étant pas présentée, l’audience avait été repoussée à une date ultérieure. Par la suite, l’audience a été repoussée à de nombreuses reprises. Cette affaire avait resurgi peu après l’abandon d’autres poursuites à son encontre pour "introduction d’objets non autorisés à la prison", après qu’il eut remis deux de ses cartes de visites à l’un de ses clients détenus[1]. Me Sidhoum avait en effet été acquitté de ces charges le 25 avril 2007, en présence d’un chargé de mission mandaté par l’Observatoire.

A la fin de l’audition des parties, le Procureur a requis deux ans de prison ferme contre Me Sidhoum. Le verdict devrait être prononcé le 13 avril prochain.

Nos organisations expriment leur plus vive préoccupation au regard de ces faits qui s’inscrivent dans un contexte d’intimidation et de harcèlement auquel sont confrontés les défenseurs algériens impliqués dans la défense des familles de disparus, et prient les autorités algériennes de mettre un terme immédiat à toute forme de harcèlement, y compris judiciaire, à l’encontre de Me Amine Sidhoum, ainsi qu’à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme algériens, et de garantir en toutes circonstances son intégrité physique et psychologique.

Plus généralement, nos organisations demandent aux autorités algériennes de se conformer aux dispositions de la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme, et plus particulièrement à son article 1 qui dispose que "chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir la protection et la réalisation des droits de l’Homme et des libertés fondamentales aux niveaux national et international", ainsi que son article 12.2, qui dispose que "l’Etat prend toutes les mesures nécessaires pour assurer que les autorités compétentes protègent toute personne, individuellement ou en association avec d’autres, de toute violence, menace, représailles, discrimination de facto ou de jure, pression ou autre action arbitraire dans le cadre de l’exercice légitime des droits visés dans la présente Déclaration", et de se conformer aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’Homme et instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de l’Homme ratifiés par l’Algérie.

En espérant vivement que vous prendrez en compte les présentes requêtes, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre plus haute considération.

Eric Sottas

Secrétaire général
OMCT

Souhayr Belhassen

Présidente
FIDH

Marc Schade Poulsen

Directeur exécutif
REMDH

Hector Diaz-Bastien

Président
UIA

Nicholas Howen

Secrétaire général
CIJ

Nassera Dutour

Porte parole
CFDA

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