Les autorités algériennes ferment leurs portes aux défenseurs africains des droits de l’Homme

12/07/1999
Communiqué

Le gouvernement algérien vient d’interdire le 10 juillet 1999 la tenue à Alger de la rencontre des défenseurs des droits de l’Homme. Cette réunion qui devait se tenir du 11 au 13 juillet 1999, parallèlement au Sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) était organisée à l’initiative de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l’Homme (LADDH), membre affiliée de la FIDH.

Elle devait réunir des responsables d’organisations nationales des droits de l’Homme de plusieurs pays (Ghana, Sénégal, Zambie, Djibouti, Kenya, Burundi, Tchad, Maroc Tunisie, Mauritanie, etc.) et des dirigeants d’organisations internationales comme la FIDH, Penal Reform International, Human Rights Watch...

Monsieur Pierre-Claver Mbonimpa, Vice-président de l’Association Burundaise pour la Défense des Droits des Prisonniers, qui avait reçu un accord téléphonique de l’Ambassade d’Algérie à Kampala lui promettant la délivrance d’une visa à l’aéroport d’Alger, a été retenu durant plusieurs heures par les services de sécurité algériens. Selon les informations reçues, aucun des autres invités ne s’est vu délivrer de visa malgré de nombreuses interventions de la LADDH auprès du Ministère algérien des Affaires Etrangères.

Sur le plan administratif, la salle réservée ¾ et payée ¾ de l’hôtel Dar Diafa où devait se tenir la rencontre a été réquisitionnée au dernier moment par le Ministère des Affaires Etrangères. Dimanche matin, le périmètre autour de l’hôtel était bouclé par les forces de police. Par ailleurs, la tenue d’une réunion publique qui devait se tenir dans une salle privée à Alger le 13 juillet 1999 au terme de la rencontre a été à son tour interdite.

Dimanche, en début d’après-midi, plusieurs dizaines de familles de disparus, qui devaient assister à l’ouverture de la rencontre des défenseurs africains des droits de l’Homme, ont été empêchés de faire une marche dans les rues d’Alger.

L’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme (programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT) dénonce ces mesures restrictives à l’égard des défenseurs des droits de l’Homme. Il rappelle que la tenue de sommets parallèles rassemblant des défenseurs des droits de l’Homme en marge de réunions et conférences régionales et internationales constitue aujourd’hui une pratique bien établie de la majorité des organes intergouvernementaux régionaux (c’est le cas notament du Sommet de l’Organisation des Etats Américains) et internationaux (Conférence mondiale sur les droits de l’Homme de Vienne en 1993, Conférence mondiale sur les Femmes de Pékin en 1995, Conférence mondiale "Habitat" de 1996, Conférence sur le Statut de la Cour Pénale Internationale à Rome en 1998, etc.).

L’Observatoire déplore que le gouvernement algérien ait empêché, à l’occasion de la réunion de ce Sommet à Alger, la tenue d’un tel sommet parallèle pour la première fois au sein de l’OUA, sur le continent africain, qui rassemble une société civile particulièrement dense et active.

En interdisant ce sommet parallèle, le gouvernement algérien s’inscrit en contradiction flagrante avec la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’Homme adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 9 décembre 1998. Cette déclaration :
· appelle les Etats à adopter les "mesures [...] administratives et autres" pour que les droits et la liberté d’action des défenseurs des droits de l’Homme soit garanties (article 2),
· affirme le droit des défenseurs des droits de l’Homme "de se réunir et de se rassembler pacifiquement" (article 5)
· affirme en outre le droit des défenseurs des droits de l’Homme "d’étudier, de discuter, d’apprécier et d’évaluer le respect, tant en droit qu’en pratique, de tous les droits de l’Homme et de toutes les libertés fondamentales et, par ces moyens et d’autres moyens appropriés, d’attirer l’attention du public sur cette question" (article 6 c).

L’Observatoire appelle le gouvernement algérien à lever toutes les restrictions entravant la liberté d’action des défenseurs des droits de l’Homme et à prendre toutes les mesures nécessaires pour que les défenseurs des droits de l’Homme africains, y compris algériens, puissent agir librement en Algérie.

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