Le contexte actuel algérien est celui de la précarité d’une population vivant dans un pays doté de richesses et de ressources naturelles considérables. Alors pourquoi un pays doté d’un tel potentiel économique voit une partie importante de sa population dans une telle détresse ? C’est à cette question que notre rapport tente de répondre en illustrant à quel point le droit à un niveau de vie décent et l’accès aux droits économiques et sociaux, tel que le droit à la santé ou à l’éducation, s’érodent sans discontinuer en Algérie, rendant la vie quotidienne des algériens sans cesse plus difficile.
Comme le rappelle Souhayr Belhassen, présidente de la FIDH, « la « mal vie » symbolisée par le phénomène des harragas, qui préfèrent au péril de leur vie, tenter de gagner l’autre rive de la Méditerranée pour échapper à cette situation, est encore renforcée par l’absence de dialogue social voulue délibérément par le pouvoir politique et qui aboutit souvent à la répression des mouvements de protestation sociale ».
L’Algérie connait, depuis le début des années 2000, une multiplication d’explosions de violence très localisées de la population pour revendiquer la satisfaction de besoins économiques et sociaux de base. Les importantes grèves qui ont eu lieu en Algérie au cours de ces derniers mois dans tous les secteurs témoignent de l’insatisfaction de nombreux travailleurs quant à leurs conditions de travail et de vie. Dans le secteur industriel des milliers de travailleurs ont observé des grèves de plusieurs semaines. Dans la fonction publique, la grève des praticiens de la santé, médecins généralistes et spécialistes, a duré presque quatre mois, tout comme celle des enseignants qui a failli compromettre l’année scolaire. Pour la première fois, une grève des employés municipaux les 30 et 31 mars 2010 à l’appel du Syndicat National Autonome du Personnel de l’Administration Publique (SNAPAP) a été suivie à plus de 60% le premier jour et à 75% le second selon ce syndicat.
La manière dont ces grèves ont été réprimées par les autorités montre que les libertés syndicales et le droit de grève sont en danger en Algérie. La persistance de la répression contre les syndicats et les travailleurs qui revendiquent le respect de leurs droits ne peut qu’accentuer les risques d’une explosion sociale incontrôlée déjà fortement présents dans la société.
Dans le rapport, la FIDH et ses organisations membres adressent aux autorités algériennes un nombre important de recommandations, notamment relatives au droit au logement, au droit au travail, à l’égalité des hommes et des femmes dans l’accès aux droits économiques et sociaux, au droit à la santé, au droit à la sécurité sociale, au droit à l ’éducation ou encore à l’accès aux droits économiques et sociaux par les familles de victimes de disparitions forcées.
Dans ses conclusions rendues publiques le 21 mai 2010 (cf communiqué FIDH/LADDH/CFDA, le 28 mai 2010 http://www.fidh.org/Nations-Unies-Le-gouvernement-algerien-appele-a) le comité des Nations Unies a relevé le manque d’effectivité du PIDESC devant les tribunaux algériens et s’est inquiété du contexte général peu favorable à l’exercice plein et entier des droits fondamentaux prévus dans le Pacte. Le Comité a réaffirmé la primauté du Pacte sur la loi nationale et a regretté l’insuffisante diffusion des droits garantis par ce texte au sein du monde judiciaire et de la population algérienne. Le Comité « note avec préoccupation (...) que la corruption reste très répandue » et recommande que l’Algérie établisse l’Agence Nationale contre la Corruption.
Le Comité n’a pas manqué de relever les disparités dans l’accès aux droits à la santé, à l’éducation et au logement à l’échelle du territoire.
Le Comité s’est également montré très préoccupé par le refus du dialogue social et des libertés syndicales et par les « interférences administratives, policières et judiciaires » vis-à-vis des syndicats autonomes du secteur public.
Le Comité s’inquiète enfin du fait que les familles de disparus ne puissent accéder à la sécurité sociale sans avoir préalablement obtenu un jugement de décès de leur proche disparu. A ce sujet, il recommande à l’Etat algérien de prendre des mesures pour que les familles de disparus accèdent de façon inconditionnelle aux prestations sociales telles que le versement des retraites et des aides pour l’éducation des enfants.