La France se débarrasse d’un témoin essentiel dans le dossier des moines français de Tibéhirine

07/05/2007
Communiqué
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Près de trois mois après son arrivée en France, le 14 février dernier, Abdelkader Tigha, ancien sous-officier des services secrets algériens a été interpellé le 2 mai 2007 alors qu’il se rendait à la préfecture de police de Paris pour formuler une demande d’asile en France. M. Tigha a été immédiatement placé au centre de rétention de Vincennes. Il devrait, selon une décision qui lui a été notifiée le 2 mai, être renvoyé au Pays-Bas. Son dossier doit être examiné par le Juge des Libertés et de la Détention le 4 mai 2007.

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH) considèrent que cette procédure de reconduite à la frontière qui intervient en pleine campagne des élections présidentielles montre le peu d’empressement et de volonté qu’ont eu les autorités françaises d’entendre Abdelkader Tigha dans le dossier dit des Moines de Tibéhirine. La décision , « exécutoire immédiatement », de renvoyer M. Tigha vers les Pays-Bas date pourtant du 21 mars 2007, date à laquelle les Pays- Bas ont signifié leur accord de réadmission de M. Tigha pour réexamen de sa demande d’asile.

Abdelkader Tigha dit avoir des révélations à faire sur l’enlèvement et l’assassinat des sept moines trappistes français de Tibéhirine en Algérie. Selon lui, et contrairement à la thèse officielle des autorités algériennes, ce serait la Sécurité militaire algérienne qui aurait organisé l’enlèvement des sept moines trappistes, en mars 1996, en utilisant les services de Mouloud Azzout, bras droit de Djamel Zitouni, alors « émir national » des GIA, et « soupçonné au mieux d’être un agent double, au pire d’être au service de la Sécurité militaire ». Tigha explique que l’opération a été préparée au Centre territorial de recherche et d’investigation (CTRI) de Blida, où il était en poste.

C’est notamment sur la base de ces révélations que, le 9 décembre 2003, une plainte contre X avec constitution de partie civile est déposée à Paris par les membres de la famille de l’un des moines assassinés, le frère Christophe Lebreton, et par le père Armand Veilleux, pour faire toute la lumière sur ce drame. Suite à cette plainte, une information judiciaire a été enfin ouverte par le Parquet de Paris en février 2004, et confiée au juge anti-terroriste Jean-Louis Bruguière.

Alors qu’il était en France depuis plusieurs semaines et que sa présence était inévitablement connue des services de renseignements français (et algériens), aucune demande d’audition n’a été notifiée à Abdelkader Tigha. Ce n’est qu’après avoir alerté les médias, qu’il sera auditionné par des agents de la DST mais semble-t-il davantage sur son parcours depuis son départ d’Algérie en 1999 que sur les informations qu’il dit détenir sur l’affaire des moines.

La justice française semble peu disposée à vouloir faire la lumière sur l’assassinat des moines français en Algérie alimentant ainsi la thèse du gouvernement algérien au détriment de la recherche de la vérité et de la justice pour les familles des victimes.

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