La FIDH demande à pouvoir se rendre en Kabylie

30/04/2001
Communiqué

En deux jours de manifestations en Kabylie, plus de 50 jeunes ont été tués par les forces de l’ordre, et plusieurs centaines ont été blessés ; certains sont dans un état grave. Le fait que l’exécution, dans la gendarmerie de Beni-Douala, du jeune Massinissa Guermah ait déclenché des émeutes d’une telle ampleur en dit long sur l’état de désespoir de la population.

La FIDH tient l’Etat algérien pour doublement responsable de cette escalade de la violence.

D’une part, en raison de la crise qui traverse le pays depuis 10 ans, à laquelle il n’a toujours pas mis un terme. Après ces 10 années, sur une population de 30 millions - dont 75% de jeunes -, l’Algérie compte, d’après des statistiques gouvernementales, plus de 7 millions de personnes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté et près de 13 millions de personnes sont plongées dans la précarité.

D’autre part, les autorités ont réagi de manière totalement disproportionnée, en engageant une répression d’une violence sans commune mesure avec la menace que constituaient les manifestants. L’armée a tiré à balles réelles sur la foule et arrêté arbitrairement des manifestants, en majorité des jeunes.

De tels agissements s’inscrivent en contradiction flagrante avec les engagements internationaux de l’Algérie et au premier chef le Pacte international sur les droits civils et politiques qui affirme que " le droit à la vie est inhérent à la personne humaine " et que " Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie ". Ils violent également les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois, qui disposent que ceux-ci ne doivent recourir à l’usage des armes à feu que de manière " proportionnelle à la gravité de l’infraction et à l’objectif légitime à atteindre ".

Ces émeutes ont commencé dans une région qui revendique avec force depuis toujours la reconnaissance officielle de la langue et de la culture amazighs. Le fait qu’elles soient aussi principalement motivées par des revendications d’ordre économique et social, laisse craindre qu’elles n’atteigne la totalité du pays, touché dans son ensemble par la misère.

La FIDH annonce qu’elle saisit le Rapporteur spécial des Nations Unies contre les exécutions extrajudiciaires et arbitraires des cas de violations des droits de l’Homme intervenus ces derniers jours.

La FIDH appelle les autorités algériennes :
 à mettre fin immédiatement à l’intervention armée et à renoncer à un usage disproportionné de la force pour répondre aux revendications culturelles, économiques et sociales de la population ;
 à mener des enquêtes pour faire la lumière sur les exécutions arbitraires ;
 à accorder l’accès aux observateurs indépendants, notamment les rapporteurs spéciaux et groupes de travail des Nations Unies (sur la torture, les exécutions extrajudiciaires, sur les disparitions forcées,...) afin qu’ils puissent se rendre en Algérie ;
 à accorder des visas aux représentants d’organisations non gouvernementales qui souhaitent se rendre sur le terrain.

La FIDH demande aujourd’hui même aux autorités algériennes les visas nécessaires pour l’envoi d’une mission d’enquête.

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