Des chrétiens victimes d’une « chasse aux sorcières »

28/05/2008
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) exprime ses plus vives préoccupations alors qu’un procès vient de se dérouler à Tiaret en Algérie à l’encontre d’une Algérienne convertie au christianisme et accusée de « pratique sans autorisation d’un culte non musulman ». Habiba Kouider est passible d’une peine de trois ans de prison ferme. Le verdict qui devait être prononcé le 27 mai 2008, a été reporté pour complément d’information.

Habiba Kouider a été arrêtée le 29 mars 2008 par des gendarmes alors qu’elle était en possession d’une douzaine d’exemplaires de la bible. Selon les informations reçues, lors du procès qui a débuté le 20 mai, le procureur s’est également attaché à démontrer que la prévenue était coupable de prosélytisme, pratique interdite par l’ordonnance n°06-03 du 28 février 2006 dont l’article 11 criminalise le fait pour toute personne de tenter de convertir un musulman à une autre religion et de fabriquer, entreposer, ou distribuer des documents (...) qui « visent à ébranler la foi d’un musulman ».

La FIDH considère que l’accusation de « pratique sans autorisation d’un culte non musulman » et le procès intenté contre Habiba Kouider constituent une violation du droit à la liberté de religion garanti par l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ratifié par l’Algérie en 1989, par l’article 36 de la Constitution algérienne qui garantit la liberté de conscience ainsi que par l’article 2 de l’ordonnance n°06-03 garantissant le libre exercice du culte.

La FIDH rappelle par ailleurs, l’observation de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction faite aux autorités algériennes suite à l’adoption de l’ordonnance n°06-03 et qui rappelle que le paragraphe 3 de l’article 18 du Pacte ne prévoit des restrictions « à la liberté de manifester sa religion » que dans des cas très exceptionnels et que donc « toute restriction généralisée imposée par l’Etat (par exemple par le biais de la loi) pour protéger la liberté de religion (...) d’autrui est à éviter ». La Rapporteuse spéciale a estimé par ailleurs, que les Etats devaient éviter d’adopter des lois criminalisant des actes conduisant à une conversion « abusive », notamment dans les cas où « ces lois seraient applicables même en l’absence de plainte du converti ».

La FIDH est d’autant plus préoccupée que cette poursuite judiciaire abusive, s’inscrit dans un contexte de répression accrue envers des représentants de la communauté chrétienne en Algérie. Ainsi, le même jour, le tribunal de Tiaret jugeait six algériens convertis au christianisme pour "diffusion de tracts visant à ébranler la foi des musulmans", le parquet a requis deux ans de prison ferme à leur encontre. Le verdict est attendu le 3 juin. Plusieurs religieux se sont au cours des derniers vus refuser leur visa d’entrée en Algérie. Un prêtre a par ailleurs, été condamné à deux mois de prison avec sursis pour avoir prié au moment de la fête de Noël avec un groupe de clandestins subsahariens chrétiens.

La FIDH appelle les autorités algériennes à respecter et à garantir la liberté de religion conformément à sa constitution et à ses engagements internationaux et à amender l’ordonnance n°06-03 afin que son application ne permette plus des poursuites arbitraires à l’encontre de représentants des communautés religieuses non-musulmanes en Algérie.

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