« Sans perspective de réparation pour les victimes au niveau national, nous avons demandé à plusieurs reprises l’ouverture d’une enquête de la CPI sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis depuis 2014, lors des manifestations de l’Euromaidan, dans le Donbas et en Crimée, et il y a seulement quelques jours dans le contexte de l’invasion de la Russie et de l’expansion récente du conflit. Nous saluons tout particulièrement l’annonce faite par le procureur de la CPI selon laquelle cette enquête porterait sur de nouveaux crimes internationaux commis par toute partie au conflit en cours en Ukraine. »
Aux côtés de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG) ukrainiennes, la FIDH et le CCL ont soumis plusieurs communications au titre de l’article 15 du Statut de Rome au Bureau du Procureur de la CPI au cours des sept dernières années, demandant à la Cour d’ouvrir une enquête. Les deux dernières concernaient les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis contre des prisonnier.e.s en détention, ainsi que les crimes sexuels liés au conflit et commis dans des centres de détention illégaux dans l’est de l’Ukraine. Le CCL et d’autres défenseur.e.s ukrainien.ne.s des droits humains s’emploient activement à documenter les crimes en cours, notamment pour jeter les bases de l’établissement des responsabilités. Plus précisément, des rapports fiables font état d’attaques contre des objets civils et de l’utilisation de bombes à sous-munitions par les forces armées russes dans des zones densément peuplées de Kyiv et de Kharkiv. Si ces informations sont confirmées, elles pourraient constituer des crimes de guerre relevant de la compétence de la Cour.
« L’obligation de rendre des comptes peut avoir un effet dissuasif important sur la commission de crimes. Même si la Russie n’a jamais reconnu la légitimité de la CPI, l’annonce par le Procureur de la CPI de son intention d’ouvrir rapidement une enquête sur les crimes internationaux commis par toute partie au conflit en cours en Ukraine envoie un message clair que personne n’est et ne doit être au-dessus de la loi – en particulier ceux qui portent la plus grande responsabilité pour les crimes internationaux commis depuis 2014. »
La prédécesseuse de Karim Khan, Fatou Bensouda, avait déjà conclu en décembre 2020 qu’il y avait une base raisonnable pour croire que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité avaient été commis dans le contexte de la situation en Ukraine, et que son bureau était prêt à demander aux juges de la CPI l’autorisation d’ouvrir une enquête. Le manque de ressources et le processus de priorisation de la charge de travail de l’accusation qui en découle, ainsi que l’absence d’un cadre de coopération clair entre l’Ukraine et la CPI, ont été soulignés comme des facteurs contribuant à ce blocage de plus d’un an. La FIDH et le CCL se font l’écho de la déclaration du Procureur de la CPI selon laquelle « l’importance et l’urgence de la mission [de la Cour] sont trop sérieuses pour être prises en otage par un manque de moyens ».
Si l’Ukraine a accepté la compétence de la CPI pour les crimes internationaux commis sur son territoire depuis février 2014 par le biais de deux déclarations ad hoc, elle n’a pas ratifié le Statut de Rome, malgré la sensibilisation et le plaidoyer actifs des ONG ukrainiennes et internationales auprès des autorités nationales. Maintenant que l’ouverture d’une enquête de la CPI est imminente, la FIDH et le CCL considèrent que le moment est opportun pour que les autorités ukrainiennes reconnaissent pleinement la compétence de la CPI et ratifient le Statut de Rome.