Turquie : Cas récurrents de violence à l’encontre des défenseurs des droits des femmes et des personnes LGBTQI+

09/07/2021
Déclaration
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Mercedes Mehling

Paris-Genève, 6 juillet 2021— Le 26 juin et le 1er juillet 2021, la Marche des Fiertés à Istanbul et les manifestations organisées dans tout le pays contre le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, ont de nouveau été marquées par des violences policières contre des manifestants pacifiques et des journalistes. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme (FIDH-OMCT) appelle les autorités à mettre immédiatement fin à tous les actes de harcèlement contre les défenseurs des droits des LGBTQI+ et des femmes en Turquie.

La 19e marche des fiertés LGBTQI+ d’Istanbul a une nouvelle fois été interdite par les autorités locales. Le bureau du gouverneur d’Istanbul a empêché les défenseurs des droits des LGBTQI+ d’organiser la marche des fiertés sur le site de Maltepe, l’une des zones désignées pour les rassemblements et réunions publiques, en invoquant notamment la prévention des actes de violence et de terrorisme et la protection de l’ordre public, de la santé et de la moralité. La Marche des fiertés a ensuite été déplacée dans le quartier de Taksim, où elle se tient traditionnellement depuis des années, mais elle a de nouveau été interdite par le bureau du sous-gouverneur du district de Beyoğlu dans une déclaration publiée le 26 juin 2021, invoquant "l’indivisibilité de l’État, la moralité publique et les mesures COVID-19".

À la suite des décisions susmentionnées, le 26 juin 2021, des policiers en tenue anti-émeute stationnés dans et autour du quartier de Taksim, ont bloqué l’accès à la rue principale et ont attaqué le groupe qui s’était rassemblé, en utilisant des balles en plastique et des gaz lacrymogènes. Au moins 20 arrestations de manifestants ont été signalées, dont des journalistes couvrant l’événement. Le photojournaliste de l’Agence France-Presse (AFP) Bülent Kılıç a été violemment jeté à terre par un officier qui a appuyé son genou sur son cou, l’empêchant de respirer, et son appareil photo a été endommagé par la police. Il a été libéré de sa garde à vue après avoir été identifié comme un journaliste, selon les autorités.

Depuis 2015, la marche des fiertés LGBTQI+ d’Istanbul est interdite par les autorités pour des motifs discriminatoires et illégaux. Les défilés des fiertés sont pratiquement interdits par les autorités en Turquie, et le mouvement LGBTQI+ s’est retrouvé largement exclu de la sphère publique. Les hauts fonctionnaires de l’État utilisent de plus en plus et ouvertement un langage haineux à l’encontre de la communauté LGBTQI+ dans le discours public, et les discours de haine dans les médias restent une préoccupation majeure. L’espace civique s’est progressivement rétréci au fil des ans, en particulier depuis la tentative de coup d’État de juillet 2016, la société civile et plus largement les voix dissidentes restant soumises à une grave répression en Turquie.

La montée du discours anti-LGBTQI+ s’avère également préjudiciable aux droits des femmes en Turquie. La 19e Marche des Fiertés s’est déroulée sur fond de retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe par une simple décision présidentielle le 20 mars 2021, sur la base de motifs anti-LGBTQI+. Les femmes de toute la Turquie sont descendues dans la rue pour dénoncer le retrait officiel de la Turquie de la Convention le 1er juillet 2021, date à laquelle la décision de retrait est entrée en vigueur. Dans certains endroits, y compris le quartier de Taksim à Istanbul, Les manifestations ont eu lieu sous une forte présence policière, et la police a utilisé des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc contre les défenseurs des droits des femmes.

L’Observatoire condamne fermement les agressions violentes contre des manifestants pacifiques et des journalistes lors de la Marche des Fiertés et des manifestations contre le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, et appelle le gouvernement turc à mettre fin à la criminalisation et au harcèlement des défenseurs des droits des LGBTQI+ et des femmes ainsi que des journalistes dans le pays. L’Observatoire appelle également les autorités à faire respecter le droit à la liberté de réunion pacifique tel que protégé par la Constitution turque ainsi que par le droit international des droits de l’homme, et à cesser d’introduire des restrictions disproportionnées à l’exercice légitime des droits de l’homme par la société civile et les citoyens turcs.

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (l’Observatoire) a été créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT). Son objectif est d’intervenir pour prévenir ou remédier aux situations de répression à l’encontre des défenseurs des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont toutes deux membres de ProtectDefenders.eu, le mécanisme de défense des droits humains de l’Union européenne mis en œuvre par la société civile internationale.

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