Dans la matinée du 16 mars 2022, la police a effectué une descente au domicile de 24 défenseures des droits des femmes et militantes de différentes organisations de la société civile, de syndicats et de membres du Parti démocratique des peuples (HDP) à Diyarbakır.
À la suite de ces perquisitions, les défenseures des droits et militantes suivantes ont été arrêtées et amenées au Département antiterroriste de la Direction de la sécurité provinciale de Diyarbakır : Mmes. Adalet Kaya, présidente du conseil d’administration de l’Association des femmes de Rosa (RWA) ; Nevin Eyman, membre du conseil exécutif de la RWA ; Fatma Gültekin, membre de la RWA ; Zekiye Güler, militante du Mouvement des Femmes Libres (Tevgera Jinen Azad - TJA) ; Remziye Sızıcı, co-présidente du district de Yenişehir du HDP ; Filiz Buluttekin, co-maire de la municipalité de Sur, qui a été remplacée par un administrateur ; Fatma Yıldızhan , secrétaire féminine du Syndicat des travailleurs de la santé et des services sociaux (SES) de Diyarbakır ; Nihal Yanık, Coprésidente du TÜMBEL-SEN (Syndicat de tous les fonctionnaires municipaux) ; Hatice Efe, Secrétaire de l’éducation du Eğitim-Sen (Syndicat des travailleurs de l’éducation et des sciences) No. 1 ; Bahar Uluğ, BTS (Syndicat uni des travailleurs du transport) Secrétaire des femmes ; Sakine Karadeniz ; Birsen Güneş ; Gülşen Özer ; Muhibet Özcanlı ; Fatma Kavmaz ; Esma Efetürk ; Xezal Yıldırım ; Jale Okkan ; Yıldız Kardeş ; Emine Akşahin ; Songül Kapancı ; Emine Kaya ; Evin Yelboğa ; et Safiye Akdağ.
Une interdiction de 24 heures a été imposée avant que les avocat.es des femmes détenues puissent leur rendre visite, interdiction levée suite aux objections des avocat.es. Néanmoins, la police n’a commencé à recueillir leurs déclarations que vers minuit, le 17 mars 2022. Invoquant la charge d’« appartenance à une organisation terroriste » (article 314/2 du Code pénal turc), la police a interrogé les femmes sur les rassemblements, les protestations, les réunions et les déclarations de presse qui ont eu lieu à Diyarbakır, notamment à l’occasion de la Journée mondiale de la paix, le 1er septembre 2021, de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le 25 novembre 2021, de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars 2022, et du retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul.
Le 18 mars 2022, Jale Okkan, Emine Kaya, Sakine Karadeniz, Fatma Kavmaz, Remziye Sızıcı, Gülşen Özer, Esma Efetürk, Filiz Buluttekin, Bahar Uluğ, Songül Kapancı et Fatma Yıldızhan ont été arrêtées en vertu de décisions rendues par les juridictions pénales de paix et envoyées à la prison de Diyarbakır. Yıldız Kardeş a été libérée par le bureau du Procureur et les autres défenseures et militantes des droits humains ont été libérées dans le cadre de mesures de contrôle judiciaire.
Ce n’est pas la première fois que les défenseures des droits des femmes à Diyarbakır sont prises pour cible, déplorent les organisations signataires. En effet, des raids et vagues d’arrestations similaires ont déjà eu lieu notamment en mai 2020, juillet 2020 et avril 2021 dans le cadre d’enquêtes contre les activités de TJA et de l’Association des femmes de Rosa. Ces enquêtes ont abouti à la détention et à la condamnation de plusieurs défenseures des droits des femmes sous diverses accusations fallacieuses, notamment en vertu de la législation antiterroriste turque, systématiquement utilisée de manière abusive pour harceler judiciairement les défenseur.es des droits humains, les journalistes, les dissident.es et les politicien.nes de l’opposition, en particulier les membres du HDP.
L’Observatoire, le İHD et la HRFT condamnent fermement ces raids et arrestations subséquentes des défenseures, qui semblent être des représailles pour leurs activités légitimes en faveur des droits humains. Les organisations signataires expriment leur inquiétude face aux violations flagrantes et répétées des droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association perpétrées par les autorités en Turquie contre tou.tes les défenseur.es des droits humains, y compris les défenseures des droits des femmes kurdes.
Nous demandons instamment aux autorités de libérer immédiatement et sans condition toutes les femmes défenseures des droits humains susmentionnées, arrêtées arbitrairement, et de lever toutes les charges qui pèsent sur elles. Nous demandons également au gouvernement de mettre fin à tous les actes de harcèlement, y compris au niveau judiciaire, contre les défenseures des droits des femmes et tou.tes les défenseur.es des droits humains en Turquie.
Nous appelons en outre les autorités turques à garantir, en toutes circonstances, les droits à la liberté d’expression, de réunion et d’association, tels qu’ils sont consacrés par le droit international des droits humains, et notamment par les articles 19, 21 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que la Turquie s’est engagée à respecter et à mettre en œuvre.