Turquie : arrestation arbitraire de 16 journalistes kurdes à Diyarbakır

22/06/2022
Déclaration
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Gazeteci Dayanışma Ağı

Paris-Genève, le 22 juin 2022 - 22 personnes, dont 20 journalistes, ont été détenues arbitrairement à Diyarbakir en juin 2022. Le 16 juin 2022, 16 d’entre elles ont été arrêtées arbitrairement. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) condamnent cette nouvelle étape dans la violation de leur droit à la liberté de presse et d’expression et appellent à la libération immédiate et inconditionnelle des journalistes détenu·es, ainsi qu’à la fin de tout acte de harcèlement contre les journalistes dans le pays.

Sur les 22 personnes détenues arbitrairement suite à des perquisitions dans les maisons des journalistes, dans les bureaux du média JinNews et de deux sociétés de production à Diyarbakır le 8 juin 2022, 16 journalistes ont été arrêté·es arbitrairement le 16 juin 2022. Parmi ces journalistes se trouvent :
 Serdar Altan, co-président de l’Association des journalistes de Dicle Fırat (DFG) ;
 Safiye Alagaş, directrice de l’agence JinNews ;
 Aziz Oruç, rédacteur en chef de l’agence Mesopotamia (MA) ;
 Mehmet Ali Ertaş, rédacteur en chef de Xwebûn ;
 les journalistes Ömer Çelik, Suat Doğuhan, Ramazan Geciken, Neşe Toprak, Zeynel Abidin Bulut, Mazlum Doğan Güler, Mehmet Şahin, Elif Üngür, İbrahim Koyuncu, Remziye Temel, Abdurrahman Öncü et Lezgin Akdeniz.

Les 16 journalistes ont été envoyé·es à la prison de Diyarbakır où elles et ils étaient toujours détenu·es au moment de la publication de cette déclaration collective.

Gülşen Koçuk, rédacteur en chef de JinNews, les journalistes Esmer Tunç, Mehmet Yalçın et Kadir Bayram, ainsi que les citoyens Feynaz Koçuk et İhsan Ergülen, également détenu·es arbitrairement à la suite de l’opération, ont été libéré·es sous contrôle judiciaire.

Les journalistes ont été accusé·es d’ « appartenance à une organisation armée » après avoir été amené·es au Palais de justice de Diyarbakır le 15 juin 2022, où elles et ils ont été interrogé·es sur le contenu de leurs reportages.

Par ailleurs, le 16 juin 2022 à 6 h du matin, la journaliste İnci Hekimoğlu a été placée en détention à la suite d’une descente de police à son domicile à Izmir, avant d’être libérée plus tard le même jour. Elle est accusée de « propagande terroriste » en raison de ses publications sur les réseaux sociaux.

À peu près au même moment où les arrestations à Diyarbakır ont eu lieu, le 16 juin 2022, un projet de loi problématique sur la désinformation qui était en discussion au niveau parlementaire a été approuvé par la Commission de la justice du Parlement et va maintenant être examiné par l’Assemblée générale du Parlement. S’il est adopté, ce projet de loi introduira dans le Code pénal turc le délit de « diffusion publique d’informations trompeuses », passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à trois ans. Compte tenu des exemples alarmants d’arrestations arbitraires et de harcèlement judiciaire de journalistes, ce projet de loi représente une menace sérieuse pour la liberté d’expression et en particulier la liberté de la presse en Turquie. C’est précisément pour cette raison que les journalistes du pays s’y opposent fermement.

La FIDH et l’OMCT rappellent que le harcèlement judiciaire, y compris la détention arbitraire, l’arrestation et la condamnation de dissident·es kurdes, de défenseur·es des droits humains et de journalistes, notamment en vertu du cadre anti-terroriste très critiqué, est une pratique courante en Turquie, comme le mentionnent les rapports de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (un partenariat FIDH-OMCT) et de l’Association des droits humains (İnsan Hakları Derneği - İHD) :
 A Perpetual Emergency : Attacks on Freedom of Assembly in Turkey and Repercussions for Civil Society
 Turkey’s Civil Society on the Line : A Shrinking Space for Freedom of Association
 Drowned in Procedure, Sentenced to Fail : Administrative Harassment Against Civil Society in Turkey

La FIDH et l’OMCT condamnent l’arrestation arbitraire des 16 journalistes, le harcèlement judiciaire contre ces journalistes et d’autres journalistes dans le pays, qui semble n’avoir pour seul objectif que de les punir pour exercer légitimement leur liberté d’expression, y compris la liberté de la presse.

Nos organisations appellent les autorités turques à libérer immédiatement et sans condition tous les journalistes actuellement détenu·es arbitrairement dans le pays. La FIDH et l’OMCT appellent en outre les autorités à veiller à ce que tou·tes les journalistes en Turquie puissent mener à bien leur travail légitime sans crainte de représailles et sans aucune restriction, y compris le harcèlement judiciaire.

Enfin, nos organisations expriment leur plus grande inquiétude quant au dangereux projet de loi sur la désinformation et demandent instamment aux autorités turques de s’abstenir de le promulguer et d’assurer, en toutes circonstances, le respect et la protection du droit à la liberté d’expression, y compris la liberté de la presse, dans le pays.

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