La Turquie doit traduire ses réformes en vue de l’adhésion à l’UE par une action concrète en matière de droits de l’Homme

17/05/2004
Communiqué

À l’occasion du Conseil d’association UE/Turquie du 18 mai 2004, la FIDH souhaite manifester son inquiétude
quant à la situation des droits de l’Homme en Turquie, et attirer l’attention sur plusieurs sujets alarmants, afin
d’en faire une priorité dans les débats au sein du présent Conseil.

Certes, le gouvernement turc met indéniablement en place une politique intense de réformes législatives en vue
la reprise de l’acquis communautaire, préalable à l’adhésion à l’Union européenne. Outre sept « paquets » de
réformes politiques et une activité législative intense durant ces derniers mois, le Parlement turc a ratifié
plusieurs traités internationaux et européens, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques,
le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ou encore le Protocole n° 6 à la CEDH.
Si la FIDH accueille avec soulagement ces avancées, elle s’interroge cependant sur les conditions de la mise en
oeuvre de ces engagements, et demeure vivement préoccupée par la situation de nombreux droits fondamentaux
qui continuent d’être systématiquement violés en Turquie.
La situation des défenseurs des droits de l’Homme
Les défenseurs des droits de l’Homme continuent de souffrir de nombreuses formes de répression en Turquie, au
mépris de la Déclaration de l’Assemblée générale des Nations unies de 1998 sur les défenseurs des droits de
l’Homme : obstacles à l’enregistrement et fermetures d’associations, perquisitions illégales et saisines de
documents, campagnes de diffamation, menaces et intimidations... Surtout, on assiste à un accroissement
dramatique du recours à la justice aux fins de sanctionner les défenseurs. Ceux qui osent dénoncer les violations
perpétrées à l’encontre des Kurdes demeurent particulièrement visés.
La persistance des actes de torture
La FIDH dénonce les pratiques de torture et de traitements inhumains et dégradants commis en Turquie par la
police et les gendarmes. Malgré l’engagement de l’État à mener une politique de « tolérance zéro » à l’égard de
la torture, la pratique de la torture n’est pas en diminution, loin de là. Elle prend des formes plus
« sophistiquées » et difficilement décelable, surtout dans les lieux de détention et sur la personne des opposants
politiques. L’impunité des auteurs d’actes de torture persiste.
La justice et l’État de droit
Plusieurs changements législatifs ont contribué à renforcer l’efficacité du système judiciaire turc, mais certaines
de ses caractéristiques demeurent très préoccupantes. Le maintien des Cours de sûreté de l’État, le non-respect
du droit à un procès juste et équitable, l’inexistence de tribunaux d’appel ou encore l’inapplication des décisions
de la CEDH sont autant d’éléments qui détournent la Turquie de l’État de droit.
Les conditions de détention
De trop nombreux cas de violations des droits des détenus persistent en Turquie. Malgré les récentes réformes,
l’accès à un avocat n’est toujours pas garanti pour les personnes en détention préventive et des cas
d’intimidation des détenus et de leurs avocats sont signalés. Dans les provinces du Sud-Est du pays, et
particulièrement dans les prisons de type E et F, les violations se multiplient.
Le problème des minorités
La Turquie a fait quelques avancées en matière de traitement des minorités nationales ou religieuses. Ces
avancées restent cependant limitées (la Turquie évite en outre tout engagement international concernant les
minorités) et illusoires, puisqu’en pratique la situation des minorités, en particulier des Kurdes, reste dramatique.
Les minorités se voient déniés leurs droits fondamentaux, et notamment les droits culturels. La FIDH condamne
également la politique de négation menée par les autorités turques concernant le génocide arménien, et appelle la
Turquie à se conformer à la résolution du Parlement européen du 18 juin 1987 sur la question arménienne.
La fragilisation de la société civile
Les libertés d’association, d’expression et de réunion, en dépit de certains assouplissements, demeurent
particulièrement contrôlées en Turquie et participent au musellement de la société civile. Leurs restrictions sont
utilisées pour faire taire, en particulier, les défenseurs des droits de l’Homme, les minorités, ainsi que les
opposants politiques. De plus la législation turque, même lorsqu’elle est révisée, n’empêche souvent pas des
pratiques peu compatibles avec les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de
la CEDH.

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