Le Harcélement judiciaire des organisations de défense des droits de l’Homme continue

02/04/2002
Communiqué

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la FIDH et de l’OMCT, a mandaté un observateur pour assister le 19 mars 2002 à l’examen des poursuites exercées par le Procureur contre Monsieur Sezkin Tanrikulu représentant du Centre de traitement des victimes de la Torture ouvert à Diyarbakir par la Fondation turque des droits de l’Homme (HRFT) devant la Cour pénale à Diyarbakir

Genève, Paris, 2 avril 2002

La Cour qui statuait à juge unique a décidé de renvoyer l’affaire au 19 avril 2002 dans l’attente de l’expertise du Centre ordonnée le jour même par le juge. Cette décision maintient ainsi la Fondation sous pression judiciaire.
Ce procès, comme d’ailleurs la procédure en cours contre la section de Bingol de l’Association des droits de l’Homme (IHD), est révélateur du climat de persécution judiciaire dont sont victimes les ONG. L’utilisation de procédures judiciaires pour entraver les activités de défense des droits de l’Homme est devenu une pratique courante en Turquie. Le rapport annuel 2001 de l’Observatoire rend compte de l’ensemble des procédures dont sont victimes la Fondation turque et l’IHD (pp. 207-215).

Le procès de Sezkin Tanrikulu s’inscrit dans un long processus de harcèlement judiciaire du Centre de Diyarbakir et de la Fondation turque :

Le 7 septembre 2001 : perquisition illégale du Centre par les autorités locales qui, à la demande du gouverneur saisissent les dossiers de plusieurs patients du Centre, en violation de principe du secret médical. Ces dossiers ont été rendus un mois après que les autorités aient eu loisir de prendre toutes les informations nécessaires sur les patients et sur les médecins du Centre.

Le 17 octobre 2001 : transfert, sur ordre du gouverneur d’un docteur travaillant à mi-temps au Centre.

Le 25 octobre 2001 : ouverture d’une information judiciaire contre le Centre, accusé d’avoir aidé et donné refuge à des membres de l’organisation terroriste du PKK, d’avoir ouvert un établissement sans autorisation et d’avoir en sa possession des documents censurés (des documents de propagande du PKK entre autres).

Le premier chef d’accusation a fait l’objet d’un non - lieu. Le Procureur a, en revanche, décidé de maintenir ses poursuites sur les deux autres chefs d’accusation, qui ont donné lieu à l’audience du 19 mars 2002.

Le Centre de Diyarbakir est accusé d’avoir ouvert sans autorisation alors que seuls les centres médicaux prodiguant des soins sont soumis légalement à la nécessité d’une autorisation préalable. Or ce Centre comme tous les autres ouverts par la Fondation en Turquie ne sont pas des centres médicaux ainsi que cela a déjà été jugé pour les centres d’Adana et d’Istanbul.

Par ailleurs, depuis sa création le 12 avril 2001 la section locale de l’Association des droits de l’Homme à Bingol subit des pressions de toutes sortes (saisie du sceau de l’association l’empêchant de recevoir et collecter des fonds, suspension du Président de la section).

le 25 janvier 2002, le Président et le Secrétaire ont été arrêtés avec 6 autres personnes alors qu’ils participaient en tant qu’observateurs à une conférence de presse organisée par le parti HADEP

Après avoir été gardés à vue pendant deux jours durant lesquels ils n’ont pas pu voir d’avocat, ils ont été placés en détention provisoire jusqu’au 18 mars, date à laquelle ils n’ont été libérés que moyennant le paiement d’une caution très élevée (500 millions de lires turques ; trois fois le salaire mensuel moyen).

Ils sont poursuivis au motif qu’ils auraient enfreint la loi n° 2911 sur les manifestations faute d’avoir sollicité au préalable une autorisation alors que cette autorisation n’est en pratique jamais réclamée pour les conférences de presse.

L’affaire est toujours pendante et sera jugée au fond le 21 mai.

L’Observatoire dénonce vigoureusement l’instrumentalisation de l’autorité judiciaire et les pressions auxquelles sont soumises sans relâche les ONG indépendantes telles que la Fondation turque des Droits de l’Homme ou l’Association des Droits de l’Homme, membres de la FIDH, dans le seul but de les empêcher de continuer leur actions de défense et de protection des droits de l’Homme et leur combat pour assister les victimes de la torture.

Lire la suite