Ragip Duran n’échappera pas au rituel festif désormais réservé par la profession aux plus grands journalistes de Turquie, condamnés puis jetés en prison, pour avoir écrit sur ces sujets politiquement délicats que sont la question kurde, le PKK, le chef de ce mouvelent, Abdullah Ocalan, dit Apo, ou encore l’armée... La fête et le panache plutôt que la complainte et la résignation, comme un défi de plus à une Justice qui n’en est plus une, quand elle répond si servilement aux ordres, et embastille des journalistes plutôt que de garantir la liberté d’expression.
Fin mars 1998, on comptait encore 67 journalistes emprisonnés en Turquie : en dépit des promesses faites par le Premier Ministre, Mesut Yilmaz, de mesures d’amnistie au profit des journalistes incarcérés, celles-ci sont demeurées ponctuelles et le projet de loi en faveur d’une libéralisation de la législation n’a toujours pas été discuté par les députés turcs à ce jour. L’ardeur toujours répressive des Cours de Sûreté à l’égard des représentants de la presse reste désespérément vaine : les peines privatives de liberté, les saisies et interdictions de journaux n’ont pas entamé la ténacité des journalistes turcs, porte parole d’une société civile, revigorée depuis le début des années 90.
La FIDH considère Ragip Duran comme prisonnier d’opinion, parce qu’emprisonné en raison de ses seuls écrits. Son maintien en détention est dépourvu de sens, sinon celui de permettre à la République de Turquie d’occuper encore, aux côtés des dictatures les plus notoires, les premiers rangs de la liste des pays qui comptent le plus de journalistes dans leurs geôles.
La FIDH demande au Président de la République de Turquie d’amnistier Ragip Duran et d’ordonner qu’il soit procédé à sa libération immédiate.