Tadjikistan : le défenseur des droits humains, Manuchehr Kholiknazarov, doit être libéré immédiatement

03/04/2023
Déclaration
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3 avril 2023. Huit organisations, dont l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la FIDH, dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains, appellent à la libération immédiate et sans condition de Manuchehr Kholiknazarov.

Malgré les célébrations du Nouvel An perse, Nowruz, au mois de mars, Manuchehr Kholiknazarov et sa famille n’avaient aucune raison de se réjouir. L’activiste purge, en effet, une peine de 16 ans d’emprisonnement en représailles à ses travaux en faveur des droits humains.

Les associations suivantes : International Partnership for Human Rights (IPHR), l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT) et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) dans le cadre de l’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains ; Human Rights Watch (HRW) ; Helsinki Foundation for Human Rights (HFHR) ; Norwegian Helsinki Committee (NHC) ; Frontline Defenders ; et Freedom Now appellent à la libération immédiate et sans condition de Manuchehr Kholiknazarov.

« Manuchehr est un éminent avocat en droits humains, un combattant contre l’injustice et un défenseur exceptionnel des victimes de violations des droits humains — sa condamnation est honteuse et chaque jour passé derrière les barreaux alourdit encore davantage le mauvais bilan du Tadjikistan en matière de droits humains. » Brigitte Dufour, directrice de l’IPHR.

Le 9 décembre 2022, la Cour suprême du Tadjikistan a jugé Manuchehr Kholiknazarov coupable au titre des articles 187, al. 2 (participation à une organisation criminelle) et 307(3), al. 2 (participation aux activités d’une organisation interdite pour ses activités extrémistes) du Code pénal et l’a condamné à une peine de 16 ans d’emprisonnement dans un établissement carcéral de haute sécurité.

Manuchehr Kholiknazarov dirige la Lawyers Association of Pamir (LAP), l’une des rares organisations de la société civile dans la région autonome tadjike du Haut-Badakhchan (GBAO), qui œuvre à la promotion et à la protection des droits fondamentaux. Membre de plusieurs plateformes importantes, comme la Civil Society Coalition against Torture and Impunity, le Public Council on Police Reform et la Coalition on Housing Rights, Manuchehr Kholiknazarov a aidé un nombre incalculable de victimes de violations des droits humains et a renforcé les structures démocratiques et l’État de droit au GBAO. Manuchehr Kholiknazarov et son organisation travaillent également depuis des années à la création d’une plateforme de dialogue ente les organes étatiques et les institutions de la société civile où sont abordés les questions régionales les plus urgentes, notamment celles relevant des droits fondamentaux.

Des manifestations massives ont éclaté à Khorog, au GBAO entre le 25 et le 28 novembre 2021 en réaction à l’exécution extrajudiciaire d’un jeune homme, Gulbiddin Ziyobekov. Lors du retour au calme, Manuchehr Kholiknazarov a rejoint la « Commission 44 » composée de représentants de la société civile et des forces de l’ordre pour enquêter sur les événements.[1] Son expérience professionnelle lui a permis de rejoindre l’équipe d’enquête dirigée par le bureau du procureur général. Malgré des critiques sur son inaction, l’équipe d’enquête a obtenu quelques résultats, dont l’exhumation et une nouvelle autopsie du corps de Gulbiddin Ziyobekov en décembre 2021. Outre son rôle dans l’équipe d’enquête, Manuchehr Kholiknazarov a travaillé aux côtés de personnes blessées par l’usage inconsidéré d’armes à feu par les forces de police pendant les manifestations. En mars 2022, la Civil Society Coalition against Torture and Impunity a assigné quatre avocats à l’assistance des victimes et de leurs proches.

Pourtant, tous les efforts pour combattre l’impunité liée aux violences de novembre 2021 ont échoué en mai 2022 lorsqu’a éclaté une nouvelle vague de répressions des manifestations dans les arrondissements de Khorog et de Rushan au GBAO.

Le 28 mai 2022, Manuchehr Kholiknazarov a été arrêté avec une douzaine de membres de la Commission 44 pour soupçon de « participation à une association criminelle » et « incitation publique à la violence pour changer l’ordre constitutionnel ». Son procès, ouvert le 20 septembre 2022, s’est tenu à huis clos au pénitentiaire de la State Committee for National Security (SCNS) à Douchanbé.

Le 21 octobre 2022, la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des défenseur·es des droits humains s’est adressée au gouvernement du Tadjikistan exprimant son inquiétude à propos de la détention arbitraire de Manuchehr Kholiknazarov et de ses collègues.

Malgré ces appels, le 9 décembre 2022, la Cour suprême du Tadjikistan a condamné Manuchehr Kholiknazarov à 16 ans d’emprisonnement.

« Depuis de nombreuses années, Manuchehr et son équipe de la Lawyers Association of Pamir assistent les victimes de violations de droits fondamentaux et promeuvent pacifiquement les droits humains, l’État de droit et l’accès à la justice au GBAO. Sa détention est arbitraire. Il doit être libéré immédiatement et sans condition. » Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.

L’Observatoire pour la protection des défenseur·es des droits humains a été créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Ce programme a pour objectif d’empêcher ou de remédier aux situations de répression contre les défenseur·es des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont membres de ProtectDefenders.eu, mécanisme européen pour les défenseur·es des droits humains mis en place par la société civile internationale.

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