Résolution pour mettre fin à l’impunité et aux disparitions forcées de citoyennes et de citoyens dans les pays d’Asie centrale

Malgré leur appartenance aux Nations unies et en dépit de leurs obligations internationales, les gouvernements des pays d’Asie centrale violent systématiquement les droits humains et les libertés fondamentales sans être sanctionnés. Le nombre de disparitions forcées ne cesse d’augmenter dans certains pays. Les gens disparaissent aussi bien pendant les conflits qu’en temps de paix dans des institutions fermées, pendant des opérations spéciales, en particulier à l’occasion de rassemblements de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) ou de la Communauté économique eurasiatique (Eurasec).

Dans le contexte de la lutte contre l’extrémisme et le terrorisme dans les pays d’Asie centrale, le nombre de personnes incarcérées dans des conditions de détention en deçà des normes minimales ne cesse de croître. Le nombre de leurs suicides suit la même courbe ascendante. La législation anti-extrémisme en vigueur et sa mise en œuvre ne respectent pas totalement les principes internationaux de protection des droits humains, et entraînent souvent la violation des droits des citoyennes et des citoyens exprimant leur opinion sur divers sujets sociétaux, de la vie publique et de la politique nationale. Dans de nombreux cas, reprocher aux citoyennes et aux citoyens de posséder et de distribuer des documents extrémistes constitue une restriction inacceptable de la liberté d’expression, sans aucune mesure avec la lutte réelle contre la violence extrémiste dans la société. L’application pêle-mêle des articles 313 (incitation à l’hostilité raciale, ethnique, nationale, religieuse ou interrégionale), 314 (création d’une organisation extrémiste) et 315 (production, distribution de documents extrémistes), ainsi que des articles 174 (incitation à la haine sociale, nationale, tribale, raciale, de classe ou religieuse) et 405 (organisation et participation aux activités d’une association publique ou religieuse ou de toute autre organisation après qu’un tribunal ait interdit ou liquidé ses activités sous le chef d’inculpation d’extrémisme ou de terrorisme) du Code pénal de la République kirghize pose de graves problèmes. Ces articles servent de plus en plus fréquemment à étouffer les voix contestataires. De nombreux dossiers impliquent en particulier des personnes accusées sur de simples hypothèses. Les autorités mènent des perquisitions à leur domicile et ailleurs, enfreignant ainsi leur droit à la protection de la correspondance sans se voir infliger aucune sanction judiciaire.

L’article 2 de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées définit la disparition forcée comme « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté par des agents de l’État ou par des personnes ou des groupes de personnes qui agissent avec l’autorisation, l’appui ou l’acquiescement de l’État, suivi du déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi. » 1

Tadjikistan
Les causes de la guerre civile au Tadjikistan de 1992 à 1997 2 n’ont fait l’objet de quasiment aucune enquête. Les victimes n’ont pas bénéficié d’un accès équitable à la justice transitiononelle. Les victimes et leurs proches n’ont reçu aucune compensation. Aucun enseignement n’a été tiré.3

L’équipe experte mandatée par les Nations unies a pu visiter brièvement la prison de Wahdat, où des mutins ont assassiné trois gardes pendant les émeutes de 2019. En représailles, 27 détenus ont été purement et simplement exécutés. « Il est nécessaire de mener une enquête approfondie, impartiale et indépendante conforme aux principes internationaux pour déterminer les circonstances de l’exécution de ces prisonniers et l’identification de leurs cadavres », souligne l’équipe mandatée.4

Kirghizistan
Le gouvernement n’a pas encore procédé à une évaluation impartiale et explicative sur les raisons du conflit au sud de la République kirghize pendant les évènements de juin 2010. Pour rappel, en mai 2011, les autorités avaient rejeté les conclusions des travaux de la Commission internationale d’enquête sur ces émeutes (Commission de recherche sur le Kirghizistan, ci-après la CRK). La commission avait apporté de solides preuves de crimes contre l’humanité à l’encontre de la population ouzbèke dans la ville d’Osh. En retour, les autorités avaient au contraire insisté sur le fait que la population kirghize avait été victime de crimes contre l’humanité. Pour autant, un an plus tard, les autorités n’ont enquêté sur aucun crime contre l’humanité ni entamé aucune poursuite pénale. Il semble que les autorités ne peuvent pas ou ne veulent pas donner l’ordre - et l’assumer - d’une enquête impartiale et approfondie sur les accusations de conspiration, de complicité et de participation directe des forces de sécurité dans les violations commises pendant et après les évènements de juin.5

Le service d’État d’application des peines de la République kirghize ne rend pas les corps des détenus assassinés à leurs proches, pas plus qu’il ne les informe de l’heure et de la date de leurs funérailles.

Kazakhstan
Le dossier des disparitions forcées concerne aussi le Kazakhstan. Le Comité des statistiques juridiques et des rapports spéciaux du Bureau du procureur général affirme que pas moins de 3 000 personnes ont disparu au Kazakhstan en 2015. Les statistiques dénombrent 2 661 personnes recherchées en juillet 2016 (dont 181 mineures). En 2015-2016, 1 418 personnes disparues ont été localisées, 157 corps ont été identifiés (dont 16 décès par mort violente) et 40 personnes portées disparues depuis plus de dix ans ont été déclarées décédées.6

ZHANAOZEN et SHETPE  : les défenseurs et défenseures des droits humains (DDH) soulignent que le personnel de la compagnie pétrolière poursuivait une grève pacifique jusqu’au 16-17 décembre 2011, au moment des heurts opposant la police et les protestataires, dont les grévistes de Zhanaozen et de Shetpe. Les tirs policiers ont tué 16 personnes et blessé plus de 60.7

Xinjiang, Chine
Des douzaines de Kazakhs d’origine ethnique affirment que leurs proches sont détenus en « camps de rééducation » au Xinjiang et demandent à l’Europe d’intervenir. Les proches des Ouïgours et des Kazakhs d’origine ethnique du Xinjiang déclarent des disparitions forcées de personnes ou des détentions arbitraires au seul motif d’avoir visité le Kazakhstan ou la Turquie, d’utiliser WhatsApp, de prier (namaz) ou, pour les femmes, de porter un fichu.

Ouzbékistan
ANDIJAN Le 13 mai 2005 à Andijan, une petite ville de la vallée de Fergana à l’est de l’Ouzbékistan, les troupes gouvernementales n’ont pas hésité à ouvrir le feu sur la population rassemblée sur la place principale de la ville pour demander justice. Les DDH estiment que 500 personnes sont mortes en ce jour tragique. Les survivantes craignant pour leur vie ont fui au Kirghizistan voisin. Les autorités ouzbèkes continuent d’affirmer avoir tiré sur les terroristes préparant un coup d’État.8

Turkménistan
Liste des citoyennes et des citoyens disparus en prison9
Les documents de la campagne « Show them alive ! » comprennent une liste actualisée de personnes disparues dans les cachots turkmènes. Cette liste recense 112 personnes disparues, à comparer aux 88 dans la version précédente de notre rapport de septembre 2016. Cette liste de personnes disparues se répartit en quatre catégories : les « prisonniers de novembre » (arrêtés sous le chef d’accusation de la prétendue préparation de coup d’État et tentative d’assassinat du président Niyazov le 25 novembre 2002), les personnes arrêtées sous le chef d’accusation d’extrémisme islamique, les personnes inculpées pour crimes économiques et abus de pouvoir, ainsi que des activistes de la société civile évanouis dans le système pénitentiaire turkmène.

Par conséquent, la FIDH, réunie pour son 40ème Congrès à Taiwan du 21 au 25 octobre 2019, recommande

1. que les membres de la FIDH à l’échelle régionale renforcent leur collaboration afin de plaider en faveur de la ratification du Statut de Rome de la Cour pénale internationale ;

2. d’organiser un suivi systématique de l’OCS, de l’OTSC et de l’Eurasec pour éviter la restriction des libertés politiques et civiques des Kirghizes ;

3. de contribuer à la protection des droits humains des personnes qui vivent dans la région ouïgoure du Xinjiang débordant sur les frontières chinoise, kazakhe et kirghize.

Lire la suite