un désastre politique et humain

02/09/2004
Communiqué

La FIDH condamne avec la plus grande fermeté la prise en otage de plus d’une centaine d’écoliers perpétrée le 1er septembre en Ossetie du Nord, attribuée aux combattants tchétchènes.

Cette prise d’otage, au lendemain d’un attentat-suicide à Moscou qui a coûté la vie de 10 personnes et un peu plus d’une semaine après l’explosion de deux avions de ligne (90 morts), vient dramatiquement et une nouvelle fois contredire la "normalisation" annoncée par M. Poutine. En effet, le conflit en Tchétchénie continue de faire de nombreuses victimes, principalement parmi la population civile. Plus grave, le conflit s’étend même désormais à d’autres régions de la Russie.

La FIDH réitère sa condamnation absolue de tout acte de terrorisme. Les attentats commis à l’encontre de populations civiles ne peuvent trouver une quelconque justification et leurs auteurs et commanditaires doivent être poursuivis en justice et sanctionnés, dans le strict respect des normes universelles de protection des droits de l’Homme.

Cette série d’attaques, qui entourent les élections présidentielles qui ont eu lieu le 29 août 2004 en Tchétchénie, met une fois de plus en lumière le désastre politique et humain de ce conflit. La mascarade électorale du 29 août s’est conclue une nouvelle fois par la mise en place d’un homme du Kremlin, le colonel de la police pro-russe Alou Alkhanov.

La FIDH note sans surprise que les mêmes techniques de manipulation constatées lors de « l’élection » de Akhmad Kadyrov (assassiné en mai 2004) au même poste ont une nouvelle fois été utilisées : le seul candidat crédible a été écarté pour des motifs purement bureaucratiques et les ONG locales confirment que malgré la participation massive officiellement annoncée, une grande partie de la population n’a pas participé à ces élections. En revanche, elles ont remarqué que des électeurs avaient voté à plusieurs reprises dans divers endroits. Un journaliste du journal russe Kommersant, Moussa Mouradov, officiellement enregistré à Grozny, a tenté l’expérience et ainsi pu voter quatre fois dans la même journée.

La FIDH s’insurge contre cette farce électorale destinée à masquer, sous couvert d’une pseudo-« normalisation » proclamée, dix ans de guerre, de violations massives des droits de l’homme et du droit international humanitaire, et d’insécurité généralisée. Elle dénonce la mise en place de milices supplétives usant de terreur systématique contre la population civile, et les retours forcés de réfugiés.

La FIDH condamne également l’indifférence qu’elle considére comme une complicité de la communité internationale et particulierement de l’Occident face à ce drame. Des représentants de l’OSCE et de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe ont assisté à ces élections mais sans statut d’observateur. Comme l’a expliqué Rudolf Bindig, co-rapporteur du Conseil de l’Europe sur la Tchétchénie, l’observation n’a pas été possible parce qu’elle ne pouvait s’effectuer que sous le contrôle permanent des forces policières et militaires russes et la libre circulation était impossible. La FIDH constate à cet égard que ce contrôle imposé aux observateurs pour « raisons de sécurité » contredit totalement la normalisation affichée et témoigne du fait que les conditions nécessaires pour des élections libres et équitables n’étaient pas réunies.

Plutôt que de condamner officiellement ce simulacre d’élections organisées dans une situation de conflit continu, et de ne pas reconnaître leur légitimité, l’Union européennne, par la voix de sa présidence, a appelé le nouveau président tchétchène et les autorités russes à renouveler « leurs efforts en vue de lancer un processus qui conduira à un véritable règlement politique fondé sur le dialogue, la réconciliation, le respect des droits de l’homme et la restauration de la primauté du droit ». La Commission européenne, quant à elle, demande même aux autorités russes « de faire en sorte que les élections parlementaires tchétchènes aient lieu le plus tôt possible et qu’elles se déroulent de façon libre et équitable ».

Cette même approche a été également manifestée par le Chancelier allemand Gerhard Schröder et le président français Jacques Chirac, accueillis trois jours après les élections par Vladimir Poutine à Sotchi pour une réunion informelle tripartite. Les deux homologues de M Poutine ont fermement manifesté leur solidarité avec le président russe et leur confiance dans la recherche d’un règlement politique pour mettre fin au conflit en Tchétchénie. Les récentes attaques montrent qu’un tel règlement est loin d’être la réalité.

La communauté internationale, qui persiste dans un soutien de plus en plus affiché à la politique « anti-terroriste » des autorités russes, porte une lourde responsabilité dans l’enlisement de ce conflit et la poursuite des violations des droits de l’Homme.

La FIDH rappelle qu’aucune solution politique viable ne saurait être envisagée sans négociation effective et sérieuse avec la partie tchétchène, et sans justice pour les victimes des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis par toutes les parties du conflit en Tchétchénie.

La FIDH appelle par conséquent la communauté internationale à mettre en oeuvre tous les moyens diplomatiques et politiques pour que les négociations soient entamées avec toutes les parties au conflit.

La FIDH appelle en outre à la libération immédiate et sans conditions de tous les otages du 1er septembre et demande instamment aux autorités russes de ne pas exercer d’opérations de représailles à l’encontre des populations tchétchènes, en Tchétchénie et en Russie.

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