La situation en Tchétchénie doit être mise d’urgence à l’ordre du jour de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe

20/04/2001
Communiqué

La guerre engagée en Tchétchénie dure depuis le mois d’octobre 1999 et les troupes russes continuent de bafouer massivement et systématiquement les droits de l’Homme, en totale contradiction notamment avec la Convention Européenne des droits de l’Homme. Les forces russes se rendent coupables de graves violations du droit humanitaire, de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité, comme l’attestent les enquêtes menées par les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme.

En neuf mois, malgré les promesses répétées des autorités russes, aucune amélioration n’a pu être constatée dans le domaine des droits de l’Homme et la Russie n’a rempli aucune des demandes essentielles qui lui avaient été faites par l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe dans sa résolution 1201 (novembre 1999) et dans ses recommandations 1444 (janvier 2000) et 1456 (avril 2000). D’autre part, depuis la session du mois de janvier 2001, où la délégation russe s’est vue rendre son droit de vote alors que rien ne pouvait justifier une levée de la pression internationale, de nouvelles preuves des crimes commis par les troupes russes ont été recensées, comme le montre une note d’analyse publiée par la FIDH au début du mois d’avril 2001 (disponible sur le site : http://www.fidh.org).

Ainsi plus de 50 corps ont été découverts en mars près de la base militaire russe de Khankala, a Grozny. Les dix-sept corps identifiés sont ceux de civils arrêtés par les forces fédérales russes depuis l’été 2000, victimes d’exécutions sommaires et de tortures. La manière dont les autorités russes ont tenté de camoufler la responsabilité de l’armée et l’enterrement rapide des corps interdisant toute enquête sérieuse sont une marque supplémentaire que les promesses en terme de justice n’ont pas été tenues.

La procurature, seul organe russe habilité à enquêter et à poursuivre les auteurs des crimes commis par les forces russes, a initié 60 affaires criminelles pour des crimes contre la population civile, dont 20 pour meurtres. L’écart très significatif entre les plaintes déposées pour violations des droits de l’Homme par les forces russes et le nombre d’affaires effectivement examinées par la justice a été déploré par Lord Judd lors d’une visite au mois de mars en Russie. Le fait que lors de cette visite le procureur général Vladimir Ustinov a refusé à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe toute implication éventuelle en matière de justice en mentionnant que ses services n’avaient pas besoin d’aide montre par ailleurs de quelle manière les autorités russes envisagent la coopération avec le Conseil de l’Europe.

En outre, force est de constater que le bureau de V. Kalamanov, représentant présidentiel pour les droits de l’Homme en Tchétchénie, n’a ni mandat clair, ni compétences juridiques. La manière dont celui-ci a contrôlé l’existence des fosses-prisons illégales près de la base militaire russe de Khatouni (sud) est exemplaire : après avoir prévenu à l’avance de son arrivée, il a trouvé les cinq fosses sans prisonniers, s’est déclaré satisfait des explications fournies par les militaires et a renvoyé l’affaire devant la procurature. En conséquence, l’activité du bureau de Kalamanov assisté des trois experts du Conseil de l’Europe depuis près d’un an, n’a concouru ni au jugement des crimes commis, ni à une quelconque significative amélioration de la situation des droits de l’Homme.

Par ailleurs, il faut que rappeler que les combattants tchétchènes se sont rendus coupables au cours de ce conflit de violations des droits de l’Homme : protection insuffisante de la population civile, mort de civils lors d’attaques dirigées contre les militaires russes, attaques contre des membres de l’administration tchétchène, mauvais traitements et exécutions de prisonniers de guerre. Cependant, ces violations ne peuvent pas être assimilées aux violences commises par les forces russes, tant le caractère généralisé et systématique de celles-ci est avéré.

Considérant qu’aucune amélioration n’a pu être constatée dans le domaine des droits de l’Homme en Tchétchénie, et que la Russie n’a rempli aucune des exigences essentielles posées par le conseil de l’Europe depuis janvier 2000,
Considérant l’ampleur des crimes commis, l’impunité dont bénéficient leurs auteurs, et le fait que la responsabilité de ces crimes remonte au plus haut niveau de l’Etat russe, et en particulier au Président V. Poutine,

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme demande

A l’Assemblée parlementaire du conseil de l’Europe :
 de mettre a l’ordre du jour de sa session d’avril, en urgence, la question de la Tchétchénie
 de demander au Comité des ministres du Conseil de l’Europe d’entreprendre au plus vite des démarches aux fins de suspension de la Russie du Conseil de l’Europe, tant que les conditions d’un respect effectif de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales n’auront pas été réunies ;
 comme première étape de cette suspension, de priver immédiatement la délégation russe de son droit de vote

Aux Etats membres du Conseil de l’Europe
 d’initier une requête inter-étatique contre la Russie, pour manquement à ses engagements en termes de droits de l’Homme, procédure prévue a l’article 24 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

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