Guerre en Tchétchénie : le Conseil de l’Europe doit poursuivre sa pression contre la Russie et exiger des négociations politiques.

24/01/2001
Communiqué
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Le conflit armé en Tchétchénie se poursuit, avec ses conséquences tragiques pour la population civile de cette région.

Si des violations flagrantes des droits de l’Homme et du droit humanitaire ont été commises par les deux parties en conflit, le nombre de victimes parmi la population civile et les dégâts matériels causés par l’action des forces russes sont incomparablement plus importants. De plus, les forces fédérales, policiers et militaires, agissent sous le commandement du pouvoir de la Fédération de Russie, Etat qui en signant une série d’instruments internationaux s’est engagé à respecter les droits de l’Homme. Pour cette raison, les violations commises par les forces fédérales sont particulièrement graves et particulièrement cyniques.

Les troupes russes continuent de violer massivement et systématiquement les droits de l’Homme, en totale contradiction notamment avec la Convention Européenne des droits de l’Homme. Les forces russes se rendent coupables de graves violations du droit humanitaire, de crimes de guerre et de crimes contre l’Humanité, comme l’attestent les enquêtes menées par les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’Homme.
Les opérations quotidiennes de "nettoyage" sont synonymes d’arrestations arbitraires, de violences et brutalités physiques et psychiques, et parfois de viols et d’exécutions sommaires. Plus de 15 000 personnes ont déjà été les victimes d’un système de "filtration" qui perdure. Pour presque tous, cela signifie tortures et passages à tabac, chantage et racket : la libération dans la majorité des cas n’a lieu qu’après paiement d’une forte rançon. Des milliers de personne ont disparu après leur arrestation. Les passages obligés aux postes de contrôle établis sur l’ensemble du territoire tchétchène se traduisent par des extorsions de fond ; les pillages continuent.

Comme lors des bombardements massifs de la première phase de cette guerre, la population civile est la principale victime du conflit. Encore maintenant, les tirs d’artillerie lourde et de missiles tactiques continent de toucher les civils. Des milliers de personne ont été victimes des mines.

La guerre se déroule toujours à huis clos, les ONG et les journalistes indépendants n’ont pas accès librement au territoire tchétchène. Alors que le territoire tchétchène est totalement dévasté, les autorités russes abandonnent à leur sort la population de Tchétchénie et les centaines de milliers de réfugiés.
Les violations des droits de l’Homme commises par les combattants tchétchènes (protection insuffisante de la population civile et mort de civils lors d’attaques contre les militaires russes, attaque contre des membres de l’administration tchétchène, mauvais traitement et exécution de prisonniers de guerre), doivent être condamnées également. Cependant, leur ampleur est bien moins moindre en comparaison des violences commises par les forces russes, tant par le nombre que par le caractère généralisé de celles-ci.

La procurature, seul organe russe habilité à enquêter et à poursuivre les auteurs des crimes commis par les forces russes, a initié moins de cinquante affaires criminelles pour des crimes contre la population civile et moins de cent cinquante pour des disparitions forcées. Et ce bien que le bureau de V. Kalamanov, créé spécialement pour recueillir les plaintes des victimes, ait recueilli douze mille plaintes, dont plus de mille deux cents à propos d’arrestations arbitraires ou de disparitions forcées.
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Force est de constater que le bureau de V. Kalamanov n’a ni mandat clair, ni compétences juridiques, et en conséquence que son activité depuis près d’un an, assisté des trois expert du Conseil de l’Europe, n’a concouru ni à la répression des crimes commis, ni à une quelconque significative amélioration de la situation des droits de l’Homme. La commission parlementaire de la
Douma russe sur la Tchétchénie, n’a tenu ses premières audiences que plus d’un an après le début du conflit, et aucun résultat de son action n’est pour l’instant visible. La "Commission publique nationale indépendante" dirigée par P. Kracheninnikov n’est ni publique ni indépendante et ne fait rien.

Il faut donc déplorer l’absence de toute activité systématique d’enquête sur les crimes commis en Tchétchénie et de protection effective des droits de l’Homme. Les déclarations sur les progrès faits dans ce domaine ne sont qu’un leurre destiné au premier chef à la communauté internationale. Malgré les déclarations du Président Poutine sur la nécessité d’une solution politique, les autorités russes favorisent toujours l’option militaire et policière, et refusent de négocier avec le Président légitimement élu Maskhadov.
A ce jour la Russie n’a donc pas satisfait à la quasi-totalité des exigences posées par les résolutions et recommandations du Conseil de l’Europe depuis novembre 1999.

Compte tenu des crimes commis et du système d’impunité dont bénéficient les auteurs de graves violations des droits de l’Homme, toute diminution de la pression internationale contre la Russie, comme par exemple la restitution du droit de vote à la délégation russe, serait totalement inacceptable et constituerait une autorisation tacite au gouvernement russe de poursuivre sa politique, assimilable à de la complicité.
La FIDH et le Centre des droits de l’homme Memorial demandent à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe lors de sa session du 22 au 26 janvier 2001 :

 de confirmer dans sa résolution ou par un nouveau vote la suspension du droit de vote de la délégation parlementaire russe.
 de condamner le refus du Comité des ministres d’entamer la procédure de suspension de la Russie sous prétexte d’une soi-disant amélioration de la situation des droits de l’Homme en Tchétchénie, et de réitérer l’urgence de cette suspension.
 de rappeler fermement aux Etats membres qu’il leur a été demandé à plusieurs reprises d’initier une plainte interétatique contre la Russie auprès de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
 d’appeler tous ses membres, parlementaires des différents Etats, à interpeller leurs gouvernements respectifs sur les deux points précédents, et à exercer toutes les pressions possibles pour que ces derniers initient une plainte interétatique et entament la procédure de suspension de la Russie.

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