Fédération de Russie : la CEDH rend justice à Zoura Bitieva

22/06/2007
Communiqué

La FIDH salue l’importante décision de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui a condamné la Fédération de Russie pour la détention illégale, la torture et l’assassinat de Mme Zoura Bitieva1, militante pacifiste d’origine tchétchène.

Mme Bitieva a été l’une des premières plaignantes Tchétchènes devant la CEDH. En avril 2000, elle a déposé une plainte contre la Russie pour avoir été détenue et soumise à des mauvais traitements dans le tristement célèbre centre de détention de Tchernokozovo (Tchétchénie) en janvier et février 2000. En mai 2003, elle et d’autres membres de sa famille ont été exécutés en Tchétchénie, alors que sa requête devant la CEDH était en cours d’examen. Sa fille a alors poursuivi son combat en déposant à la CEDH une plainte sous X.

En reconnaissant les mauvaises conditions de détention et les mauvais traitements subis par Mme Bitieva dans le centre de détention de Tchernokozovo, la CEDH s’est prononcée sur l’absence du statut juridique de ce centre « qui n’a été clarifié qu’après le 8 février 2000 ». La CEDH « a trouvé inconcevable que, dans un État soumis à l’autorité de la loi, un centre de détention puisse exister sans aucune autorité responsable. La Cour a été frappée par le fait que, malgré les appels du Comité européen pour la prévention de la torture de mener une enquête indépendante, aucune action n’avait été entreprise pour mettre fin à une telle situation d’impunité, identifier et traduire en justice les responsables, permettre une réparation aux victimes et s’assurer qu’une telle situation ne puisse pas se produire dans le futur ». (Cf.Bitiyeva and X v. Russia).
La CEDH a également reconnu que Mme Bitieva a été assassinée par des agents de l’Etat « notamment en raison de leurs descriptions : leurs vêtements ; les véhicules qu’ils ont utilisé ; le fait qu’ils avaient été capables de voyager librement pendant le couvre-feu (avec un permis "spécial") et leurs méthodes de travail, caractéristiques d’opérations spéciales ».

La FIDH souligne que la décision de la CEDH [1]constitue un pas important dans le combat pour la vérité et la justice en Tchétchénie. La nouvelle jurisprudence "tchétchène" de la Cour rappelle la nécessité de l’examen international des violations des droits de l’Homme et des crimes de guerre commis en Tchétchénie.

Rappel des faits

Le 25 janvier 2000, Mme Bitieva et son fils Idris Idouev sont arrêtés dans leur maison dans le village Kalinovskaya (Tchétchénie) et placés dans le centre de détention de Tchernokosovo qui n’a aucun statut légal. Durant 24 jours, Mme Bitieva est détenue dans une cellule non chauffée et surpeuplée avec très peu d’eau et de nourriture. Tout au long de sa détention, elle est victime de violences physiques et psychologiques et témoin des mauvais traitements envers d’autres détenus, y compris vis-à-vis de son fils. Malgré une maladie cardiaque, l’assistance médicale lui est refusée, ce qui provoque une détérioration rapide de son état de santé.
Le 2 mars 2000, Mme Bitieva est relâchée et les charges contre elle sont abandonnées pour absence de preuves. Le 25 avril 2000, Mme Bitieva dépose une plainte auprès de la CEDH contre la Russie pour détention illégale et traitement inhumain et dégradant.
Le 21 mai 2003 vers 4 heures du matin, Mme Zoura Bitieva, son mari Ramzan Idouev, son fils Idris Idouev et son frère Aboubakar Bitiev sont assassinés dans leur maison par des inconnus en tenue de camouflage, parlant russe et conduisant des véhicules sans plaques d’immatriculation. L’enquête officielle n’a pas ordonné d’autopsie et leurs corps sont enterrés le jour même de l’assassinat.
En rappelant le militantisme de Mme Bitieva, le Centre des droits de l’Homme « Mémorial » a qualifié cet assassinat de politique et a souligné qu’un autre plaignant à la CEDH, M. Imakaev, avait disparu après avoir déposé plainte à la CEDH concernant l’enlèvement de son fils par des militaires russes (Cf. Le crime politique dans le village Kalinovskaya). Le cas de Mme Bitieva, comme d’autres cas de violations extrêmement graves des droits de l’Homme, est détaillé dans le rapport de mission d’enquête de la FIDH et du Centre russe des droits de l’Homme « Mémorial » : « La torture en Tchétchénie : « normalisation » du cauchemar ».

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