Russie : la FIDH exige la fin des poursuites contre Zarema Musayeva

02/12/2024
Déclaration
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Crew Against Torture
  • En novembre 2024, les autorités russes ont ouvert une nouvelle procédure pénale, politiquement motivée contre Zarema Musayeva, la mère des opposants tchétchènes Abubakar et Ibragim Yangulbayev, en représailles aux critiques de ses fils à l’égard des autorités tchétchènes.
  • La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ainsi que ses organisations membres russes - Anti-Discrimination Center Memorial, Human Rights Defense Center Memorial et Citizen’s Watch - appellent les autorités russes à abandonner les charges retenues contre Zarema Musayeva, à assurer sa libération immédiate et à cesser de persécuter les détracteur·ices de Ramzan Kadyrov, ainsi que leurs proches.

Paris, 2 décembre 2024. En novembre 2024, les autorités tchétchènes ont engagé une nouvelle procédure pénale contre la prisonnière politique Zarema Musaeva, l’accusant de « désorganiser les activités de la colonie pénitentiaire » en vertu de l’article 321.2 du code pénal russe. Elle est soupçonnée d’avoir agressé un agent du Service pénitentiaire fédéral (acronyme en anglais FSIN), un chef d’accusation qui peut entraîner jusqu’à cinq ans de prison. Compte tenu de l’état de santé de Zarema Musaeva - elle souffre de diabète de type 2 et marche à l’aide de béquilles - ces accusations semblent fabriquées de toutes pièces. Mme Musaeva est persécutée en représailles aux critiques virulentes de ses fils à l’égard de Ramzan Kadyrov et des autorités tchétchènes.

Zarema Musaeva est la mère des opposants tchétchènes Abubakar et Ibrahim Yangulbaev, accusés d’être impliqués dans l’administration de la chaîne Telegram 1ADAT par les autorités tchétchènes. Cette chaîne publie des informations sur les enlèvements et les détentions dans la région, ainsi que sur la corruption des forces de sécurité et des fonctionnaires tchétchènes. Parmi eux, Ramzan Kadyrov lui-même. En conséquence, les autorités tchétchènes ont commis des représailles d’une violence et d’une brutalité inouïes contre les personnes associées à 1ADAT. En septembre 2020, une vidéo largement diffusée en Tchétchénie et au-delà a montré le viol de Salman Tepsurkaev, 19 ans, administrateur de 1ADAT. Sa « punition  » pour avoir collaboré avec la chaîne. Tepsurkaev avait été enlevé dans le kraï de Krasnodar. Après son supplice, torturé, il a été assassiné par les forces de sécurité tchétchènes.

Le dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov a menacé plusieurs fois la famille Yangulbaev, tandis qu’Adam Delimkhanov, un député de la Douma d’État originaire de Tchétchénie, a publiquement menacé de leur « couper la tête  ». Ibrahim et Abubakar Yangulbaev se trouvent actuellement hors de Russie.

Tirée de force de l’appartement, sans chaussures ni manteau, et emmenée en Tchétchénie

En janvier 2022, la police tchétchène a fait irruption dans l’appartement des parents des frères Yangulbaev, l’ancien juge fédéral Saidi Yangulbaev et Zarema Musaeva, au prétexte de les interroger dans une affaire de fraude. Comme la détention d’un juge fédéral en Russie nécessite l’autorisation du procureur général, la police s’est emparée de son épouse, Zarema Musaeva, qui avait perdu connaissance au cours de la perquisition. Elle a été tirée de force de l’appartement, sans chaussures ni manteau, et emmenée en Tchétchénie, à plus de 2 000 kilomètres de son domicile de Nijni Novgorod. Dans un premier temps, elle a été condamnée à 15 jours d’arrestation administrative pour « petit vandalisme », après quoi elle a été inculpée dans le cadre d’une affaire pénale pour agression présumée d’un fonctionnaire en vertu de l’article 318 du code pénal russe, et placée en détention provisoire. Plus tard, elle a également été accusée de fraude (article 159 du code pénal russe).

Le 4 juillet 2023, un tribunal de Grozny a déclaré Zarema Musaeva coupable et l’a condamnée à cinq ans et demi d’emprisonnement dans une colonie pénitentiaire.

Le même jour, des inconnus ont attaqué la journaliste de Novaya Gazeta Elena Milashina et l’avocat Alexander Nemov, qui se rendaient à Grozny pour l’audience de Musayeva. Des individus masqués ont arrêté leur voiture, les ont traîné·es à l’extérieur et les ont brutalement frappé·es à coups de matraque et de pied. Les agresseurs ont confisqué leurs téléphones, détruit leur équipement et déchiqueté leurs documents.

Le 5 mars 2024, la cinquième Cour de cassation de Pyatigorsk a réduit la peine de Zarema Musaeva à quatre ans et neuf mois. Mme Musaeva purge actuellement sa peine dans une colonie de peuplement à Argun (Tchétchénie) et devrait être libérée en mars 2025. Compte tenu de l’état de santé grave de Zarema Musaeva, les charges supplémentaires retenues contre elle en novembre 2024, prolongeant potentiellement sa détention de cinq années supplémentaires, sont particulièrement inquiétantes.

La FIDH et ses organisations membres exhortent les autorités russes à abandonner toutes les charges criminelles contre Zarema Musaeva, à la libérer immédiatement
et à cesser de persécuter celles et ceux qui critiquent les autorités tchétchènes, y compris en exerçant des représailles contre leurs proches. Elles demandent également à la communauté internationale de faire pression sur les autorités russes pour qu’elles cessent de persécuter Zarema Musayeva pour des raisons politiques, sur la base d’accusations forgées de toutes pièces.

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