Russie : 50 nouvelles lois antidémocratiques lors du dernier mandat Poutine

11/03/2018
Communiqué
en fa fr ru
© RASH BRAX

Depuis sa réélection en 2012, le président russe Vladimir Poutine a supervisé la création de 50 nouvelles lois visant à étouffer les voix de l’opposition et à élever le niveau de peur et d’auto-censure dans la société, selon une nouvelle étude de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme). Leurs champs d’application et thématiques sont très variables, tout comme la dureté des condamnations prévues. Présenté par ordre chronologique, un tableau récapitule cette cinquantaine de lois liberticides et leurs conséquences dans la vie des citoyens russes.

Les lois et règlements promulgués durant le dernier mandat de Poutine vont du renforcement de la surveillance et de la censure, l’interdiction de « questionner l’intégrité de la nation russe » à la lutte contre « l’extrémisme ». Interdire la remise en cause de « l’intégrité de la nation russe » vise en fait à interdire toute critique de la présence russe en Ukraine orientale et en Crimée. Alors que la notion de lutte contre « l’extrémisme » permet aux autorités de s’attaquer aux libertés politiques et religieuses, en imposant leur point de vue sur l’histoire russe et en interdisant toute pensée dissidente.

Une série de lois complexes a également spécifiquement ciblé, ces dernières années, les ONG et organisations de défense des droits humains. Elles rendent plus difficile leurs activités, leurs actions de communication, leur accès à l’information et aux financements internationaux. Entravant leurs capacités de fonctionner de manière indépendante, elles empêchent les plus petites de survivre.

"L’assaut des lois anti-démocratiques après la réélection de Poutine représente une formidable machine à remonter le temps et à exercer un contrôle total. Dénaturées, les mesures mises en œuvre s’avèrent impitoyables contre les expressions libres et critiques, et d’autant plus si elles concernent l’État de droit, les droits de l’Homme, l’histoire, les champs de l’éducation ou de la non-discrimination. Et si elles remettent en cause les agressions continues perpétrées par la Russie au-delà de ses frontières… Alors que les citoyens russes s’apprêtent à participer à une élection-Potemkine ce mois-ci, il est désormais clair que la démocratie est étranglée par Poutine."

Sacha Koulaeva, responsable du bureau Europe de l'Est / Asie centrale à la FIDH

Le tableau présenté par la FIDH n’énumère pas seulement une liste de nouvelles lois répressives mais explique comment chacune d’entre elles représente un revers pour les libertés fondamentales des citoyens du pays, et comment elles les coupent un peu plus chaque jour du monde extérieur. Il fournit également des exemples, loin d’être exhaustifs, des abus juridiques qu’elles entraînent dans la vie quotidienne des citoyens.

Alors que le rideau de fer est tombé et qu’internet a brisé les frontières, le pouvoir russe devait répondre à cette nouvelle ère en inventant de nouvelles méthodes pour combler son vide de légitimité. Ce n’est désormais plus seulement le présent mais aussi le passé qui est filtré et contrôlé.

Faisant flèche de tout bois, la répression s’abat sans aucune mesure : poète poursuivi pour « extrémisme » pour avoir écrit un poème sur l’Ukraine ; notion d’ « organisation indésirable » semblant surgir d’un livre d’Harry Potter ; interdiction de mentionner les abus perpétrés par l’Armée rouge pendant la seconde guerre mondiale ;interdiction d’organiser des rassemblements publics en soirée, afin d’éviter l’éclosion de mouvements semblables à EuroMaidan ; poursuites judiciaires lorsque plus de trois personnes participent à une action publique de protestation...

Par ailleurs, l’obligation pour les services de messagerie d’héberger toutes les données des utilisateurs d’internet en Russie et de déchiffrer et livrer leurs historiques et informations à la demande des autorités, s’accompagne d’une liste spéciale des utilisateurs ayant une double nationalité ou ne pouvant pas voyager à l’étranger. Ceci dans un contexte où les notions de « trahison d’État » et d’ « atteinte aux informations classifiées » viennent d’être redéfinies, et étendues par exemple aux pertes militaires russes dans les conflits.

La FIDH prévient : l’agressivité croissante du régime de Poutine en Russie et son autoritarisme sont les conditions préalables à sa politique étrangère belliqueuse.

"En Syrie, en Ukraine et en Crimée, la Russie de Poutine agit en toute impunité. Si ce qui se passe à l’intérieur du pays ne fait pas les grandes lignes des médias occidentaux, la tendance n’en est pas moins dramatique : nous assistons à la répression totale de la société civile et de la liberté d’expression. Sans voix critiques à l’intérieur de la Russie, les chances que le pays change de politique étrangère sont extrêmement minces."

Sacha Koulaeva, responsable du bureau Europe de l'Est / Asie centrale à la FIDH

Le premier tour de l’élection présidentielle russe aura lieu le dimanche 18 mars.

Sacha Koulaeva est disponible en ITW (anglais, français, russe).

Contact Média :

Audrey Couprie / acouprie@fidh.org / +33 6 48 05 91 57

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