Loi après loi, la destruction de la société civile russe documentée par la FIDH

Masha Dimitrova

Au cours des cinq dernières années, les autorités russes ont adopté plus de 50 lois, autant d’étapes vers la suppression pure et simple de la société civile en Russie. En collaboration avec le média russe indépendant MediaZona, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) lance un outil interactif pour illustrer et mieux comprendre ces lois oppressives. Il met en lumière un aspect fondamental : cette addition de lois constitue un système oppressif intrinsèque.

Paris, le 8 juin 2023. Depuis 2018, le gouvernement russe a adopté plus de 50 lois visant à soumettre la société civile et à détruire la dissidence. Dans un rapport (anglais et russe uniquement) publié aujourd’hui, la Fédération internationale pour les Droits Humains (FIDH) a analysé ces lois. Grâce au média russe indépendant en exil, MediaZona, le rapport dispose d’une version interactive et intuitive, disponible en anglais et en russe.

Ces lois couvrent de nombreux aspects de la société civile et sont regroupées dans de grandes catégories : « Liberté d’expression », « Manifestation publique », « LGBT+ », « Élections », « Internet » et « Agents étrangers ». Cette dernière classification est importante : MediaZona, son rédacteur en chef Sergey Smirnov, ainsi que son éditeur Piotr Verzilov ont été déclarés « agents étrangers » par le régime russe en 2021. En 2022, une vague de lois classées dans la catégorie « Guerre » a contraint les dissident⋅es à se cacher ou à s’exiler, sous peine d’être presque certainement emprisonné⋅es.

« Ces lois répressives ont créé une réalité parallèle, où les Russes vivent dans le mensonge. Comme à l’époque soviétique, il est impensable de remettre en question le pouvoir et le récit officiel. Mais la vérité ne peut pas être contenue éternellement », a déclaré Oleksandra Matviichuk, vice-présidente de la FIDH et présidente du Centre pour les libertés civiles, lauréate du prix Nobel de la paix 2022. "Ces lois, et en particulier les lois dites « mémorielles », ont contribué à justifier la catastrophe de l’invasion de l’Ukraine par la Russie. »

« Les lois russes contre la société civile ont vu le jour dans un contexte de détérioration de la démocratie à l’échelle mondiale. Dans de nombreux États, les législateurs deviennent le bras droit des régimes répressifs, c’est pourquoi il est du devoir de notre organisation d’étudier de près le laboratoire répressif de la Russie », a déclaré Ilya Nuzov, directeur du programme Europe de l’Est de la FIDH. « Au Nicaragua, au Kirghizistan et en Géorgie, la FIDH a déjà observé l’adoption ou des tentatives d’adoption de répliques des lois russes sur les « agents étrangers ». Nous prévoyons une multiplication de ces tentatives à court et moyen terme. Nous lutterons contre ces lois partout où ce sera nécessaire ».

La FIDH observe et documente les lois répressives russes depuis dix ans, dans le cadre de son suivi des attaques contre la société civile dans le monde. Un premier rapport, couvrant les années 2012 à 2017 et listant les 50 premières lois, a été publié en 2018, tandis que ce nouveau rapport couvre les années 2018 à 2022. Ce travail détaillé illustre de manière frappante comment, en l’espace de quelques années seulement, un État peut gravement et progressivement porter atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales en anéantissant la société civile. La FIDH espère qu’il sera utile à d’autres ONG, avocat·es, groupes de réflexion, universitaires et à toutes celles et ceux qui observent et étudient l’usage de la législation par les régimes répressifs - et sa mise en œuvre sélective - pour cibler les opposants politiques, la société civile et d’autres voix indépendantes. Ces lois répressives stigmatisent les critiques, limitent la capacité d’agir conjointement et restreignent l’exercice des droits humains fondamentaux tels que les libertés d’expression, d’association et de réunion.

Cliquez ici pour accéder à l’outil en ligne The last 50 : Russian repressive laws since 2018 (en anglais et russe uniquement).

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