Risque des nouvelles extraditions vers l’Ouzbékistan

02/07/2007
Communiqué

La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) exprime sa profonde inquiétude face au risque d’extradition vers l’Ouzbékistan de citoyens ouzbeks réfugiés en Fédération de Russie.

La FIDH avait déjà dénoncé par le passé la pratique de la coopération judiciaire entre les autorités russes et ouzbèkes qui, en violation des engagements de la Fédération de Russie en matière de droits de l’Homme, a déjà permis l’extradition de réfugiés vers l’Ouzbékistan en dépit des risques de torture et de mauvais traitements qu’ils y encouraient. [1]

Le 26 janvier 2007, M. Yachin Djouraev, citoyen ouzbek, a été arrêté à Moscou alors qu’il sortait d’une mosquée, sur la base d’un avis de recherche lancé contre lui en Ouzbékistan pour « participation à une organisation religieuse illégale ». Le 27 janvier 2007, il a été placé dans le centre de détention provisoire de Moscou. Selon le Centre des droits de l’Homme « Mémorial », M. Djouraev avait déjà arrêté en octobre 2004 en Ouzbékistan selon une accusation similaire et condamné à verser une amende par le tribunal de Tachkent. Harcelé par les services de sécurité ouzbeks et craignant pour sa sécurité, M. Djouraev a quitté son pays pour s’installer en Russie. Quelques jours avant son arrestation, ses empreintes digitales avaient été relevées par la police russe lors d’un contrôle d’identité. D’après le Centre des droits de l’Homme « Mémorial », il semblerait qu’un avis de recherche ait donc été lancé à la suite de ce contrôle par les autorités ouzbèkes informées de son lieu de résidence par la police russe.

Le 30 mai 2007, M. Dilchod Kourbanov, citoyen ouzbek, a été arrêté et placé en détention dans la ville d’Ouzlovaïa (Fédération de Russie). Après la perquisition effectuée à son domicile, des livres en arabe, le Coran et les papiers d’identité de Kourbanov ont été saisis. M. Kourbanov a été conduit au poste de police où il a appris qu’il risquait une extradition suite à un mandat d’arrêt international délivré contre lui en Ouzbékistan.

L’association russe Comité « Assistance Civique », qui travaille auprès des réfugiés menacés d’expulsion, s’interroge sur les véritables raisons de cette arrestation. Les autorités russes ont en effet donné plusieurs versions contradictoires. Ainsi, le 31 mai 2007, M. Sapronov, procureur par intérim de la région de Toula, a d’abord expliqué que M. Kourbanov avait été arrêté en raison de ses prétendus liens avec des organisations terroristes internationales. M. Sapronov a affirmé par la suite que M. Kourbanov aurait été impliqué dans des opérations financières illégales. Il a enfin déclaré que M. Kourbanov devait être extradé pour violation des règles de séjour des étrangers en Fédération de Russie.

Le 13 juin 2007, M. Moukhammadsolikh Aboutov, citoyen ouzbek, a été arrêté et placé dans le centre de détention provisoire de Krasnogorsk (Fédération de Russie) en vue d’une extradition prochaine. Le 18 juin, le procureur de Krasnogorsk, M. Ignatenko, a déclaré que M. Aboutov avait été arrêté à la demande des autorités ouzbèkes qui l’accusent d’ « atteinte à l’ordre constitutionnel de la République d’Ouzbékistan », de « diffusion de publications menaçant la sécurité publique » et d’« appartenance à des organisations religieuses illégales ».
Selon les informations du Comité « Assistance civique », M. Aboutov avait été persécuté en Ouzbékistan en raison de ses convictions religieuses. En 1996, suite à une accusation fabriquée de toutes pièces, il avait été condamné à 7 ans de prison. Durant sa détention, il a été soumis à la torture. En janvier 2007, après la perquisition de son domicile en son absence, au cours de laquelle des ouvrages religieux en arabe avaient été saisis, M. Aboutov, craignant pour sa sécurité, a décidé de se réfugier en Russie. Durant son séjour à Moscou, M. Aboutov avait obtenu un enregistrement légal et possédait un permis de travail.

MM. Aboutov et Kourbanov ont été tous deux arrêtés après leur visite au Comité « Assistance civique » où ils s’étaient rendus pour obtenir des renseignements sur les mécanismes d’obtention du statut de réfugié. Le Comité « Assistance Civique » craint que ses lignes téléphoniques ne soient sur écoute et que les autorités n’utilisent le Comité comme un moyen pour traquer les migrants. La FIDH appelle par conséquent les autorités russes à mener une enquête indépendante et impartiale sur ces faits, afin de déterminer si de telles craintes sont fondées.

La FIDH demande aux autorités russes de ne pas expulser vers l’Ouzbékistan les citoyens qui risquent d’y être soumis à la torture, dans le respect des engagements internationaux de la Fédération de Russie, notamment la Convention européenne des droits de l’Homme et la Convention contre la torture de l’ONU.

Lire la suite