Le Parlement russe a commencé l’examen d’un projet d’amendement à la loi de réhabilitation de 1991 introduit par le gouvernement en juillet dernier, en réponse à la décision de la Cour Constitutionnelle de 2019. La loi de 1991 prévoit des compensations pour les anciens prisonniers du goulag ou pour leurs enfants, notamment la possibilité d’obtenir un appartement dans leur ville d’origine. À cause d’un décret d’application inefficace et inapproprié, rares sont "les enfants du goulag" à avoir pu bénéficier des dispositions prévues par le texte.
En mars 2019, la Cour constitutionnelle a été saisie par trois filles de victimes de la répression soviétique, toutes trois nées en exil après la déportation de leurs familles. Elles étaient représentées par des avocats de l’Institut pour la loi et la politique publique, une ONG russe, Memorial ayant été admis au dossier en tant qu’amicus curiae. Le 10 décembre 2019, la Cour constitutionnelle rendait une décision favorable aux plaignantes en déclarant inconstitutionnelles les dispositions des lois régionales dans la mesure où elles empêchent les victimes de recevoir la réparation qui leur est due.
"Ce projet de loi est un acte de sabotage de la décision de la Cour constitutionnelle : s’il était adopté, elle restera lettre morte. Ma cliente, Alissa Meissner, vit dans la région de Kirov, à 50 kilomètres du camp où elle est née. Elle vient de rejoindre la file d’attente pour un logement et on lui a attribué le numéro 54 967. Elle n’a pratiquement aucune chance d’y accéder de son vivant ."
Le jugement de la Cour constitutionnelle a redonné espoir aux déportés de l’époque soviétique après tant d’années de négligence. Pourtant, l’agence fédérale chargée de veiller à la bonne application de cette décision a procédé à des changements mineurs sur le texte, faisant fi des recommandations de la Cour. Ainsi, elle ne met aucun financement fédéral à disposition pour reloger les victimes ; elle ne garantit pas la priorité de leur dossier et elle continue de s’en remettre à l’écheveau de réglementations régionales pour faire appliquer la loi. Un amendement concurrent de celui du gouvernement et élaboré avec la société civile en respect des recommandations de la Cour constitutionnelle, a été rejeté par les législateurs hier.