La rapidité avec laquelle le projet de loi a été préparé -4 jours seulement - et les violations flagrantes des procédures prescrites par la Constitution pour de tels changements, ont suscité de vives critiques de la part de la société civile et du grand public.
L’une des modifications proposées aurait pour effet de légaliser la mise en œuvre sélective des décisions des organes de traités internationaux jugées contraires à la Constitution. La Russie est normalement tenue de se conformer à ces décisions, en vertu du fait qu’elle a ratifié des conventions internationales ou régionales, telles que la Convention européenne des droits de l’homme. Mais, avec cette proposition d’amendement, la Russie pourrait invoquer l’inapplicabilité supposée des "interprétations" des dispositions des traités pour justifier le fait de ne pas les suivre, sous le couvert de la protection de la souveraineté nationale. En pratique, l’amendement permettrait aux autorités russes d’éviter de mettre en œuvre des décisions de type Cour européenne des droits de l’homme que ces dernières perçoivent souvent comme contraires aux intérêts nationaux.
"L’initiative effrontée de Poutine de mettre en place un mécanisme constitutionnel pour éviter de mettre en œuvre les traités internationaux pourrait gravement porter atteinte au droit international. Si elle était adoptée, la législation proposée non seulement aggraverait probablement la situation des droits humains en Russie, mais elle pourrait également servir de modèle dangereux, ouvrant la voie à d’autres pays pour se soustraire à leurs obligations internationales en matière de droits humains."
La législation a été conçue par un groupe de travail ad hoc réuni le 15 janvier, le jour même où M. Poutine a annoncé pour la première fois les changements constitutionnels lors de son discours annuel. Le document, rédigé en quatre jours seulement et sans consultation significative de la société civile, propose des modifications de fond à 14 articles de la Constitution, contrairement à une loi fédérale qui exige un projet de loi distinct pour chaque modification. Dès le 23 janvier, le projet de loi a été accepté à l’unanimité en première lecture par la chambre basse du Parlement russe. La lecture finale, qui sera suivie d’un vote, est prévue pour la fin février.
Non seulement la substance des amendements est préoccupante, mais
le mépris des autorités pour les procédures constitutionnelles nécessaires à leur adoption est alarmant. Comme les changements proposés concernent les deux premiers chapitres de la Constitution, les "Fondements du système constitutionnel" et les "Droits et libertés de l’homme et du citoyen", l’article 135 exige qu’une nouvelle Constitution soit adoptée par une Assemblée constitutionnelle, suivie d’un référendum. Ni la loi régissant la formation de l’Assemblée constitutionnelle, ni l’organe lui-même, n’existent actuellement. Plutôt que de se conformer à ces procédures, les autorités prévoient d’organiser un vote constitutionnel national au printemps, afin de donner un air de légitimité à la modification proposée.
La volonté des autorités de faire passer la souveraineté avant tout, au mépris du droit international, pourrait entraîner une période sombre pour les droits humains en Russie, avec le risque de créer un dangereux précédent mondial. La FIDH et ses 37 organisations membres appellent les parlementaires russes et le peuple russe à voter contre les amendements proposés.