Intimidations et violence délibérée

26/11/2007
Communiqué
en fr

A une semaine des élections parlementaires, l’étau se resserre
contre les défenseurs des droits de l’homme et les opposants.

La FIDH exprime sa plus vive inquiétude suite aux événements qui se sont succédés ces derniers jours en Russie et qui témoignent d’une menace croissante à l’encontre des défenseurs des droits de l’Homme et des libertés publiques, notamment la liberté de manifester et d’informer.

Le 24 novembre la FIDH a été informée par le Centre des Droits de l’Homme « Memorial » que, dans la nuit du 23 au 24, Oleg Orlov, dirigeant du CDH « Memorial » et trois journalistes de la chaîne "Ren-TV", Artem Vyssotski, Stanislav Goriatchev et Karen Sakhinov ont été enlevés à l’hôtel Assa à Nazran (Ingouchie), où ils logeaient, par des hommes armés et masqués. Ils ont été battus et menacés de mort avant d’être abandonnés dans un champ dans le district Sounjenski. Ayant pu regagner dans un premier temps un poste de police voisin pour y porter plainte, ils ont été interrogés ensuite pendant plusieurs heures au commissariat de police de Nazran. Sévèrement battus et nécessitant des soins rapides, les journalistes de Ren-TV se sont vus refuser les soins et ont été retenus jusqu’à 13h tandis que M. Oleg Orlov était relâché tard dans la matinée. Rappelons que M. Oleg Orlov avait été reçu avec d’autres membres de Memorial dans les locaux de l’ambassade de France par le Président français Nicolas Sarkozy, le 10 octobre dernier.

Ce grave incident est intervenu à quelques heures d’une manifestation prévue à Nazran, la capitale de l’Ingouchie, pour protester contre les violations des droits de l’Homme commises dans cette république voisine de la Tchétchénie, où la situation se détériore rapidement depuis quelques mois.

La manifestation du 24 novembre a été elle aussi violemment réprimée par la police locale qui a tiré sur les manifestants, avant de disperser brutalement le rassemblement. Plusieurs participants ont été blessés, et nombre d’entre eux ont été arrêtés.

Par ailleurs, le chef de file de la liste régionale du parti d’opposition Yabloko pour le Daghestan, M.Farid Babaev, blessé le 21 novembre par balles par des inconnus en rentrant de l’état major de son parti, est décédé des suites de ses blessures le 24 novembre. M. Babaev était connu pour sa position en faveur des droits de l’Homme, et sa mobilisation contre l’impunité dans le Caucase du Nord, concernant notamment les disparitions forcées et les enlèvements, les tortures, la violence des forces de l’ordre et les exécutions sommaires.

Ces événements s’inscrivent dans un climat de crispation politique qui s’alourdit d’heure en heure à l’approche des élections parlementaires du 2 décembre. Le Président Poutine a qualifié les opposants de « chacals devant les ambassades étrangères » (« Ils vont encore sortir dans la rue. Ils l’ont appris auprès de spécialistes occidentaux ») ; les manifestants pacifiques se font tabasser, les activistes des partis d’opposition sont arrêtés et la propagande des médias contrôlés contribue largement à la diffamation de la société civile.

Les 24 et 25 novembre, des manifestations organisées par différents partis d’opposition pour dénoncer la monopolisation de la campagne électorale par le Parti au pouvoir Russie Unie se sont soldées par des heurts et des arrestations, notamment celle du leader du Front uni de l’opposition M. Gari Kasparov, qui a été condamné sur-le-champ à 5 jours de détention administrative. La manifestation du dimanche 25 à St Pétersbourg a donné lieu à plusieurs dizaines d’interpellations dont celle du leader du parti libéral SPS (Union des Forces de Droite), Boris Nemtsov.

Ces dernières semaines, la campagne électorale a été marquée par une mobilisation sans précédent de l’ensemble des institutions de l’État en faveur du Parti au pouvoir. L’élection a ainsi été transformée en plébiscite, particulièrement après que la Douma eût adopté un dispositif électoral qui rend quasi nulles les chances de l’opposition de siéger au Parlement (généralisation du scrutin de liste et hausse du seuil de représentation à 7 %). Des tensions fortes ont également opposé les autorités russes à l’OSCE à propos de l’envoi d’observateurs internationaux. Enfin, après que la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement Européen n’a pas pu se rendre en Russie alors qu’elle en avait fait la demande, une délégation de députés du groupe des Verts a subi des pressions à son arrivée en Russie. Une personne accompagnant la délégation a été expulsée, et s’est vu signifier une mesure d’interdiction du territoire russe pour 5 ans1.

La FIDH condamne avec la plus grande fermeté les actes de violence commis, quels qu’en soient les auteurs, à l’encontre des représentants du CDH « Memorial » en Ingouchie, ainsi que la répression de la manifestation de Nazran du 24 novembre, et dans les autres villes de Russie.

Exprimant par ailleurs sa plus vive inquiétude quant aux mesures d’intimidation et de violence qui sont utilisées à l’encontre des représentants de l’opposition, la FIDH demande à la Fédération de la Russie :

 De mener dans les plus brefs délais une enquête impartiale et complète pour faire la lumière sur les événements intervenus en Ingouchie le 24 novembre ainsi que sur les circonstances de la mort de Farid Babaev au Daghestan.
 De libérer au plus vite les responsables politiques et simples manifestants arrêtés au cours des manifestations des 24 et 25 novembre en se conformant à sa législation et à ses engagements internationaux concernant la liberté de manifestation et d’expression des opinions.
 De permettre à la sous-commission des droits de l’Homme du Parlement Européen de se rendre en Russie ainsi qu’elle en a fait la demande.

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