Le Centre Anti-Discrimination « Memorial » (ADC « Memorial ») à Saint-Pétersbourg et le Centre d’information et d’analyse SOVA à Moscou, avec le soutien du Partenariat international pour les droits de l’Homme (IPHR) et de la FIDH, ont transmis au Comité des informations probantes dans un rapport public. (Disponible en anglais).
Cet examen offre à l’organisme de contrôle des Nations unies l’occasion d’appeler la Russie à réformer sa législation anti-discriminatoire et à revoir ses politiques, afin de mettre fin au harcèlement et aux actes de violence d’inspiration raciale dont sont victimes les groupes et minorités visibles. Il offre également l’occasion aux organisations soumettant des rapports d’appeler les autorités russes à ouvrir un dialogue avec les militants, les ONG de défense des droits de l’Homme et le mouvement antiraciste, et de les soutenir dans la lutte contre le racisme et la discrimination dans la société et au niveau de l’État. « Il est temps pour la Fédération de Russie de mettre fin aux politiques honteuses qui pénalisent les groupes les plus vulnérables du pays, et de revenir sur la législation actuelle, qui est contre-productive. Les stéréotypes raciaux et la discrimination qui s’ensuivent constituent un fléau qui doit disparaître » a déclaré le directeur du Centre SOVA, Alexandre Verkhovsky. « Les Roms, les migrants d’Asie centrale et les populations du Caucase sont à la fois stigmatisés socialement et discriminés par l’État. Il est du devoir des autorités non seulement de ne pas tolérer cette stigmatisation sociale, mais de la combattre activement et de soutenir ceux qui luttent contre elle » a ajouté Olga Abramenko, Directrice du Centre ADC « Memorial ».
Le rapport démontre qu’en Russie la législation existante et les politiques et programmes mis en œuvre ne parviennent pas à contenir la discrimination raciale dirigés vers les groupes et minorités visibles, tels que les travailleurs migrants, les Roms et les populations autochtones. On constate même dans certains secteurs une régression, avec une discrimination accrue à l’encontre de ces groupes. Les violations vont des arrestations par les forces de l’ordre et mises en détention, la discrimination sur le lieu de travail et la ségrégation des enfants appartenant à des minorités ethniques à des déclarations xénophobes dans les médias et aux crimes de haine. Cela montre que le gouvernement russe non seulement n’a guère tenu compte des préoccupations et des recommandations du Comité formulées lors de l’examen précédent en 2008, mais que la Fédération de Russie continue à violer ses obligations internationales dans le cadre de la Convention des Nations unies sur la discrimination raciale.
Examen de la Fédération de Russie devant le Comité des Nations unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
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Harcèlement par la police et actes de violence à l’encontre de groupes et minorités visibles
Le rapport soumis au Comité documente de nombreux cas où la police russe a visé spécifiquement des groupes et minorités visibles. Le profilage ethnique continue et les populations venues du Caucase et d’Asie centrale sont particulièrement concernées. Il est courant que des injures raciales envers des étudiants venus d’Afrique, des citoyens russes non-slaves ou des réfugiés soient proférées non seulement par des civils, en groupe ou pris isolément, mais aussi par les forces de l’ordre durant les périodes de détention et dans les prisons. Des enquêtes menées par le Centre ADC « Memorial » révèlent que pour les migrants, ces dernières violations constituent l’une des principales menaces qui pèsent sur leur vie, leur santé et leur bien-être. Pour de plus amples informations, consulter le rapport publié par le Centre ADC « Memorial » avec le soutien de la FIDH (en anglais).
Exploitation des travailleurs migrants
Le rapport montre également que, bien que la Russie demeure l’un des principaux pays de destination des travailleurs migrants, ceux-ci ne sont pas protégés contre les formes graves de discrimination. Les communautés migrantes sont soumises à une forte discrimination en matière d’emploi, en partie à cause des formalités administratives qui leur sont imposées pour obtenir un permis de travail. Les travailleurs qui ne parviennent pas à obtenir les papiers nécessaires pour séjourner et travailler dans le pays sont exploités à la fois par les agences intermédiaires et les employeurs. Le rapport donne plusieurs exemples de violations des droits des travailleurs migrants, qui dans certains cas aboutissent à un véritable esclavage moderne.
Utilisation abusive de la législation « anti-extrémiste » : on sévit contre les défenseurs des minorités plutôt que contre les groupes nationalistes violents
Le rapport montre aussi que le gouvernement russe n’a pas suivi la recommandation du Comité selon laquelle, en mettant en œuvre la loi contre les activités extrémistes et l’article 282 du Code pénal, il importait surtout de combattre les organisations extrémistes violentes. La législation anti-extrémiste continue d’être invoquée pour imposer des restrictions inutiles à des organisations de la société civile et minorités religieuses. Pendant la période couverte par le rapport, on relève de nombreux cas de poursuites pénales injustifiées à l’encontre de fidèles, sous couvert de cette législation anti-extrémiste. Le terme « anti-extrémisme » s’étend jusqu’à recouvrir le fait de s’opposer à des crimes de haine, à des discours de haine et à des formes non violentes de discrimination, et ces définitions juridiques très larges sont souvent invoquées à l’encontre de militants.
Les Roms : stigmatisation sociale et discrimination par l’État
Les communautés Roms subissent souvent des expulsions, avec destruction des habitations et sans relogement. En outre, le fait que ces habitations ne sont pas officiellement immatriculées est souvent utilisé comme moyen de pression sur les membres de la communauté. Dans le système éducatif, la ségrégation des enfants Roms continue. La plupart de ces enfants sont scolarisés dans des classes et des écoles distinctes du reste du système, et cette procédure discriminatoire est souvent approuvée par les autorités locales et l’administration des écoles. Pour de plus amples informations en anglais consulter le lien suivant :
http://www.fidh.org/Reports-presented-to-the-UN-9574.
Peuples autochtones : aucune application juridique des droits spéciaux (territoires, indemnisations, éducation, emploi)
Le manque apparent de volonté gouvernementale de lutter contre la discrimination se manifeste aussi dans la façon de traiter les petits peuples autochtones qui vivent dans des conditions sociales et économiques très éprouvantes. Le rapport montre que ces personnes rencontrent des problèmes dans tous les aspects fondamentaux de leur vie, notamment dans l’accès à l’éducation et aux soins médicaux, l’emploi et le logement. Au sein des communautés autochtones, le niveau d’instruction est très inférieur à celui de l’ensemble de la population, et les experts soulignent combien il est difficile de sauvegarder les langues nationales.
Aucun progrès ne sera possible sans un véritable cadre juridique anti-discriminatoire
Le Centre ADC « Memorial », le Centre SOVA, IPHR et la FIDH appellent la Fédération de Russie à :
– respecter ses obligations internationales dans le cadre de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale ;
– prendre toutes les mesures nécessaires pour créer un cadre juridique adéquat permettant l’application directe de la Convention par les instances judiciaires et administratives locales, puis pour adopter aux niveaux fédéral, régional et local des programmes gouvernementaux complets facilitant efficacement l’intégration au sein de la société russe moderne des minorités ethniques, des peuples autochtones et des migrants ;
– soutenir activement les militants, les ONG de défense de droits de l’Homme et le mouvement antiraciste afin de leur permettre de lutter contre le racisme et la discrimination dans la Fédération de Russie.
Le Centre ADC « Memorial », le Centre SOVA, IPHR et la FIDH considèrent que l’examen de la Fédération de Russie par le Comité des Nations unies est l’occasion d’attirer l’attention sur les insuffisances des systèmes législatif, exécutif et judiciaire, et de formuler des recommandations concrètes pour mettre fin à ces pratiques discriminatoires très répandues qui constituent non seulement de fait des traitements dégradants, mais mènent aussi à une ségrégation au sein de la société russe et alimentent trop souvent les crimes de haine.
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Contacts de presse :
Olga ABRAMENKO, ADC Memorial (russe, anglais) : +7 921 9180163 et olga@memorial.spb.ru
Stefania KULAEVA, ADC Memorial (russe, anglais) : + 7 921 9408301 et stephania@memorial.spb.ru
Glenn PAYOT, FIDH (anglais, français) : +41 78 881 52 91 et gpayot@fidh.org