Dialogue interactif avec le Rapporteur sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste

16/03/2009
Communiqué

La FIDH vous remercie M. le Rapporteur pour votre rapport en date du 4 février 2009 et partage vos inquiétudes quant à certains aspects de la récente législation antiterroriste adoptée en Russie en mars 2006, qui comporte plusieurs dispositions préoccupantes en matière de droits de l’Homme . Comme vous l’indiquez à juste titre, l’instauration de cette nouvelle loi permet de transférer de nombreux pouvoirs du ministère de l’intérieur aux services de sécurité, ce qui peut mettre en péril le respect de l’état de droit.

Monsieur le rapporteur, la FIDH estime que d’autres dispositions de cette nouvelle loi, inspirée en partie par l’expérience de la politique menée au Caucase du Nord (particulièrement en Tchétchénie) depuis 1999, constituent déjà des dérogations à l’état de droit, notamment la possibilité qu’elle instaure de pouvoir lancer une « opération antiterroriste » ("KTO"). Une telle opération n’est ni limitée dans la durée, ni dans l’espace, et son territoire est défini de manière discrétionnaire par le responsable de l’opération. Le régime "KTO" se caractérise par l’absence de tout contrôle parlementaire ou international, son lancement ne requérant l’approbation ni de la Douma, ni du Conseil de la fédération. Ce régime de "KTO" est davantage restrictif en matière de droits de l’Homme que celui de l’état d’urgence et offre la possibilité de couper l’accès à tout système d’informations. Le responsable de l’opération KTO est nommé de manière discrétionnaire par le directeur du FSB (services de sécurité de l’état, ex- KGB) et ne rend des comptes qu’à ce dernier.

M. le rapporteur avez vous l’intention d’examiner la conformité de cette nouvelle législation avec les engagements internationaux de la Russie ?

Au niveau international, la Russie a développé une politique de coopération antiterroriste avec certains de ses voisins dans le cadre de son adhésion à l’Organisation de Coopération de Shanghai ("SCO", aussi connu en français sous le nom de "Club de Shanghai"), organisation inter-gouvernementale permanente pour la sécurité, créée par proclamation le 15 juin 2001, et qui regroupe la Fédération de Russie, le Kazakhstan, le Tadjikistan, le Kirghizistan, l’Ouzbekistan et la République Populaire de Chine. L’organisation dispose d’une Structure régionale antiterroriste ("RATs") basée à Tachkent. Comme vous le soulignez, M. le rapporteur , l’échange de données et d’informations entre les services de renseignements des états membres de l’organisation n’est sujet à aucune forme de contrôle, ni à aucune clause en matière de droits de l’Homme. ; . La fidh tient notamment à souligner que la déclaration de l’organisation de Shanghai faite à Astana en juin 2005 prévoit que les états ne donne pas l’asile aux personnes accusées ou suspectées de conduire des activités terroristes, séparatistes ou extrémistes et de reconnaître réciproquement sans aucune forme d’enquête ou de procès les actes de terrorisme, séparatisme et extrémisme des autres législations nationales. Dans le cadre de cette coopération, la Fédération de Russie refuse d’accorder le statut de réfugié aux nationaux ouzbek qui font état de persécutions dans leur pays d’origine ; de même qu’elle extrade ou transfère vers l’Ouzbekistan des personnes recherchées par les autorités ouzbek malgré le risque élevé d’actes de torture ou autres traitements inhumains..

Sur ce dernier point, entendez-vous analyser prochainement le cadre juridique des extraditions ou expulsions légales d’individus vers des pays où ils peuvent être l’objet de torture, dans le cadre des politiques dites de « coopération antiterroriste » ?

Pourriez-vous envisager de recommander non seulement que les États insèrent dans leurs accords de partage de l’information une clause qui assujettisse l’application de l’accord à l’examen d’organes de contrôle afin d’évaluer les actes des différentes parties, mais également de respecter le principe de non refoulement et de s’abstenir de renvoyer ou expulser une personne lorsqu’il y a des raisons sérieuses de croire à un risque réel de traitement inhumain et dégradant ?

Lire la suite