Loudmila Mikhailovna Alexeeva, cinquante années d’activisme, cinquante années de dissidence. Membre fondatrice du Groupe Helsinki de Moscou, l’historienne, cible du régime soviétique, Prix Sakharov 2009 du Parlement européen, continue de dénoncer la politique menée par Vladimir Poutine.
Interview Pauline Panassenko.
Peut-on parler d’État de droit, dans la Russie actuelle ?
Loudmila Alexeeva : La Russie n’a jamais été un État de droit. Ces derniers temps, la situation a empiré. Les violations, par les autorités, des droits des citoyens sont devenues quotidiennes.
Et sur le plan international ?
LA : Nous nous sommes brouillés avec tout le monde à l’Ouest ! Avant, c’était un facteur qui leur faisait retenir un peu la bride. Avec l’annexion de la Crimée, nous montrons, et avec une certaine fierté, que ni les accords internationaux, ni les principes moraux en vigueur entre deux États civilisés ne nous arrêtent.
Comment la population russe juge-t-elle cette “annexion” des provinces de l’Est ukrainien ?
LA : Malheureusement, la plus grande partie de nos concitoyens soutient cette politique. Pour eux, la Russie s’est relevée. Cet appui massif de la population permet à nos autorités de se comporter avec autant d’indécence. Je pensais que vingt-cinq ans après la chute du rideau de fer, les mentalités auraient changé, mais le syndrome impérialiste s’est révélé être plus vivace. C’est le plus triste. Au moment de l’annexion de la Crimée, les sondages ont montré que 83% des Russes soutenaient cette action illégale et, de mon point de vue, amorale. Au lieu d’aider un voisin vulnérable, nous usons de sa faiblesse pour nous approprier un morceau de son territoire.
Qu’est-ce qui rend si difficile la démocratisation de la Russie ?
LA : La Russie n’a pas de tradition d’État démocratique, d’État de droit. Et c’était un empire. Nombre de Russes regrettent que nous ayons cessé de régner sur d’autres peuples. Je crois que ce sentiment impérialiste nous est propre. Mais nous deviendrons nous aussi un État démocratique européen, parce que de par notre emplacement géographique, de par notre culture, de par le degré d’instruction de notre société, de par ses intérêts économiques et politiques, nous sommes un pays européen.
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