« L’interdiction a fait beaucoup de choses. Ce qu’elle n’a pas fait, c’est arrêter les avortements », indique Krystyna Kacpura, présidente de la Fédération pour les femmes et le planning familial. En 2022, les femmes polonaises traversent souvent la frontière pour aller chercher de l’aide en Allemagne ou dans d’autres pays voisins. D’autres se tournent massivement vers les avortements illégaux car, même dans les rares cas où ils restent légaux, les médecins sont de plus en plus réticent·es à les pratiquer par crainte d’être criminalisé·es.
Selon la législation actuellement en vigueur, toute personne qui aide une femme à pratiquer l’avortement dans des circonstances autres que celles autorisées par la loi est passible de poursuite pénale pouvant aller jusqu’à une incarcération. Depuis l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, au moins trois femmes sont décédées à la suite du refus du personnel médical de pratiquer l’avortement en cas de malformation du fœtus. L’arrêt du 21 octobre 2020, et les précédentes tentatives de restreindre davantage le droit à l’avortement, ont été accueilli par les plus grandes manifestations publiques du pays depuis des décennies, menées par des femmes défenseures des droits humains qui militent pour l’annulation de l’arrêt et l’assouplissement de la législation en vigueur. En outre, des rapports démontrent que certain·es défenseur·es des droits des femmes et des personnes LGBTI+ sont confronté·es quotidiennement à des menaces, des intimidations et des actions en justice.
À la suite de cet arrêt de la Cour constitutionnelle, la Cour européenne des droits de l’homme et la Commission européenne ont conclu que la Cour constitutionnelle polonaise ne répond pas aux critères d’une juridiction indépendante et impartiale, en raison de son manque d’indépendance vis-à-vis des pouvoirs législatif et exécutif. 12 femmes ont déposé une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme, arguant qu’elles sont des victimes potentielles d’une violation de leurs droits à ne pas subir de mauvais traitements et au respect de la vie privée, tels que garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a déposé des tierces-interventions avec d’autres organisations, fournissant des preuves et des analyses fondées sur le droit international des droits humains, le droit européen comparé et les directives de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Lire le dossier de la FIDH sur le droit à l’avortement dans le monde en 2022.