Le 2 novembre 2022, la chambre des ministres kirghize a publié sur son site web un projet de loi « sur les organisations non gouvernementales à but non lucratif ». Ce projet de loi, préparé par l’administration présidentielle, propose de renforcer le contrôle de ces organisations. En particulier, il investit le ministère de la Justice et le Bureau du Procureur général des fonctions de contrôle de la conformité des activités menées par les organisations non gouvernementales (ONG) à but non lucratif, au regard des objectifs indiqués dans leurs statuts et de la législation de la République kirghize. En cas de violation, une ONG pourrait être dissoute par décision de justice, à la demande de l’une de deux instances.
Le projet de loi propose également de contraindre les ONG à s’enregistrer auprès du ministère de la Justice de la République kirghize. Les organisations ayant échoué à se faire enregistrer auprès des services de l’État avant le 31 décembre 2023 seront alors dissoutes. Par ailleurs, le projet de loi interdit aux citoyen·nes étranger·es de créer des ONG. Enfin, le projet de loi introduit la notion « d’organisation non gouvernementale étrangère à but non lucratif » et définit la procédure applicable à leurs activités. Aux termes de ce projet de loi, les ONG étrangères et internationales affiliées seraient tenues de fournir des informations sur leurs projets et d’obtenir l’autorisation de s’enregistrer auprès du ministère de la Justice, afin de se voir accorder le statut d’ONG étrangère. La loi sur les organisations à but non lucratif actuellement en vigueur en République kirghize permet de créer une ONG sans que celle-ci ait le statut légal d’association ou de fondation, et il n’existe pas de définition pour une organisation étrangère non-commerciale.
« Les tentatives répétées des autorités kirghizes d’introduire une législation reflétant la tristement célèbre loi russe sur les « agent·es étranger·es » reflètent l’influence délétère de la Russie sur la région et menacent de réduire l’espace de la société civile. Nous demandons instamment au Parlement kirghiz de rejeter le projet actuel et de supprimer toutes les restrictions existantes à la liberté d’association. »
Au Kirghizstan, la loi en vigueur sur les ONG a été adoptée en 1999. Depuis lors, les autorités kirghizes ont évoqué à plusieurs reprises l’idée de renforcer le contrôle des ONG. Par exemple, entre 2013 et 2016, le Jogorku Kenesh (Parlement du Kirghizistan) a tenté d’introduire une clause sur les « agent·es étranger·es » dans la législation. À chaque fois, lescritiques publiquescontre le projet de loi ont dissuadé les autorités de prendre de telles mesures répressives. Toutefois, des amendements à la loi adoptés en 2021 ont imposé aux ONG des obligations de reporting onéreuses, les obligeant à divulguer leurs sources de financement et leurs domaines de dépenses, limitant ainsi la liberté d’association. Le 3 novembre 2022, la Cour constitutionnelle de la République kirghize a enregistré un appel à révisé la conformité constitutionnelle des amendements de 2021, à la demande de Tolekan Ismailova, directrice du mouvement de défense des droits humains Bir Duino.
« Ce nouveau projet de loi sur les ONG n’est pas une initiative isolée, mais la dernière d’une série de mesures répressives adoptées depuis janvier 2021, date de l’arrivée au pouvoir du président Japarov. Les droits à la liberté de la presse et à la liberté d’association et de réunion doivent être respectés et protégés pour inverser cette tendance négative. »
Le projet de loi a été présenté une semaine après la réunion des pays du Council of the Heads of Security Bodies of the Commonwealth of Independent States (CIS) tenue le 26 octobre 2022. Selon des sources officielles russes, des mesures visant à « lutter conjointement contre les activités destructrices des organisations non gouvernementales à but non lucratif étrangères et des organisations internationales » ont été discutées lors de la réunion.