Kirghizistan : les autorités doivent respecter et rétablir l’espace civique

03/09/2024
Déclaration
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Vyacheslav OSELEDKO / AFP

Autrefois considéré comme l’« îlot démocratique » de l’Asie centrale, le Kirghizistan a récemment adopté plusieurs lois et pratiques qui ont contribué à la réduction drastique de l’espace civique. Parmi elles, une loi sur les « représentants étrangers » calquée sur le modèle russe qui renforce considérablement le contrôle des organisations de défense des droits humains financées par des sources étrangères. À l’occasion de la Journée de l’indépendance du Kirghizistan, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), son organisation membre kirghize Bir Duino-Kyrgyzstan, et la Coalition for Equality renouvellent leur appel aux autorités kirghizes à se conformer à leurs obligations en matière de droits humains et à respecter et rétablir l’espace civique nécessaire au fonctionnement libre et sans danger de la société civile.

Paris, Bichkek, 3 septembre 2024. Le 31 août 2024 marquait le 32e anniversaire de l’indépendance du Kirghizistan. Depuis son détachement de l’Union soviétique, le pays est devenu le premier d’Asie centrale à adhérer au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (Pidesc), ainsi qu’à six autres traités internationaux fondamentaux sur les droits humains. Réélu pour la troisième fois membre du Conseil des droits de l’homme des Nations unies en 2022, le Kirghizistan a accepté la responsabilité particulière d’« observer les normes les plus strictes en matière de promotion et de défense des droits de l’homme ».

Pourtant, la situation du Kirghizistan sur le plan des droits humains n’a cessé de se détériorer ces derniers mois, alors que les autorités ont déclenché une vague de répression sans précédent sur la société civile. Le 2 avril 2024 notamment, le président du Kirghizistan Sadyr Japarov signait la loi sur les « représentants étrangers » inspirée par la Russie. Cette dernière modifie « la loi actuelle sur les organisations à but non lucratif », stigmatise les organisations de défense des droits humains recevant des financements d’origine étrangère et renforce le contrôle exercé sur celles-ci. L’activité des organisations qui ne seraient pas conformes aux exigences de cette loi pourra ainsi être suspendue par les autorités, puis mise en liquidation par les tribunaux. Comme le souligne le HCDH, cette loi pourrait contraindre certaines ONG à la fermeture ou à l’autocensure, et aurait pour conséquence d’« étouffer gravement les activités légitimes de sensibilisation du public, de surveillance et d’information sur les droits humains, ainsi que les discussions sur les questions d’intérêt public ».

Le 16 mai 2024, l’organisation membre de la FIDH, Bir Duino, a déposé un recours auprès de la Cour constitutionnelle du Kirghizistan afin que la loi sur les « représentants étrangers  » soit déclarée anticonstitutionnelle. Les juges ont cependant rejeté l’appel. Bir Duino a alors déposé plainte contre cette décision de rejet. L’affaire est toujours pendante devant la Cour constitutionnelle.

En outre, depuis l’adoption de la loi sur les «  fausses informations » en août 2021, les autorités se sont attelées à museler les médias indépendants du pays, notamment en bloquant les sites Internet de Radio Azattyk (Radio Free Europe/Radio Liberty) et du principal média d’investigation Kloop Media, qu’elles ont fini par mettre en liquidation, comme l’a confirmé la Cour suprême le 29 août 2024. Même si le très répressif projet de loi intitulé « Loi sur les médias de masse » a été retiré en mars 2024 par le Président, face aux critiques de l’opinion publique, la situation reste alarmante étant donné que le Kirghizistan se place 120 sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse 2024 de Reporters sans frontières.

La FIDH, Bir Duino et la Coalition for Equality exhortent les autorités kirghizes à se conformer à leurs obligations en matière de droits humains, à respecter et rétablir l’espace civique au Kirghizistan, notamment en assurant un contrôle judiciaire juste et indépendante de la loi sur les « représentants étrangers ». Elles encouragent également la communauté internationale à inciter les autorités kirghizes, de manière bilatérale ou multilatérale, à abroger toute législation répressive, à l’image de la loi sur les « représentants étrangers », et ce à l’aide de tous les moyens politiques, diplomatiques, ou économiques dont elles peuvent disposer.

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