Justice et réparations pour les victimes de la guerre de 2008 dépendent de l’efficacité des enquêtes de la CPI et des procédures nationales

03/05/2016
Communiqué
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© FIDH

(Paris-Tbilissi) Du 23 au 27 avril 2016, la FIDH et le HRIDC ont effectué une mission d’évaluation conjointe en Géorgie dans le cadre de l’ouverture par la Cour pénale internationale (CPI) d’une enquête sur les crimes internationaux commis en Géorgie durant la guerre de 2008. La délégation a échangé avec des communautés affectées par la guerre et rencontré des représentants des autorités nationales, des organisations de la société civile géorgienne et des avocats de victimes. A la suite de la récente ouverture de l’enquête de la CPI, nos organisations rappellent l’importance d’une pleine coopération des autorités nationales avec la Cour et de procédures nationales effectives permettant aux victimes d’obtenir la vérité, la justice et des réparations qu’elles attendent depuis si longtemps.

"Il est indispensable de sensibiliser les victimes et les communautés affectées par le conflit au mandat et aux possibilités de la CPI. Il convient d’accroître les connaissances de l’ensemble de la population de Géorgie au sujet de la CPI et de renforcer les capacités des autorités et de la société civile géorgiennes : c’est essentiel pour que les procédures de la CPI aient un impact significatif au niveau national"

Nino Tlashadze, Directeur exécutif adjoint du HRIDC.

Au cours de la visite de la délégation dans la région adjacente à la frontière administrative avec l’Ossétie du Sud, notamment au village d’Ergneti, nos organisations ont pu confirmer l’importance de la lutte pour la justice et réparation pour les victimes, renforcée par les conséquences économiques, sociales et psychologiques du conflit qui, huit ans après, n’ayant pas été correctement traitées, continuent à les affecter. Les villageois ont également déclaré soutenir les efforts de réconciliation entre les communautés touchées par la guerre, hélas entravés par le climat d’insécurité persistant pour les habitants des régions frontalières. En effet, les prises d’otages civils se poursuivent. En outre, la pose de barbelés et autres clôtures servant de frontières, déplaçant la frontière administrative contrôlée par la Russie davantage dans les territoires sous contrôle géorgien et causant ainsi de nouvelles pertes de terres et de biens à la population locale, ne fait qu’exacerber ce climat.

"Il ne faut pas sous estimer l’importance de l’enquête de la CPI dans la région. Celle-ci démontre que les territoires contestés, tels que l’Ossétie du Sud, ne sauraient être des zones d’impunité, et que les plus hauts responsables des crimes commis devront répondre de leurs actes"

Karim Lahidji, Président de la FIDH.

Nos organisations rappellent que les autorités nationales doivent pleinement coopérer avec la CPI, qui visera essentiellement ceux qui sont les plus hauts responsables des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre commis durant la guerre de 2008. Il est impératif que, dans le même temps, les autorités géorgiennes mènent des enquêtes et poursuites effectives de tous les responsables, assurant ainsi aux victimes un véritable accès à la justice. Or seule une minorité de victimes aurait obtenu le statut de victime dans les procédures judiciaires nationales, et leurs avocats, que la FIDH a rencontrés, n’auraient pas accès au dossier, ce qui les empêche d’évaluer l’efficacité des procédures nationales et d’agir en conséquence.

Contexte

Début août 2008, les affrontements entre l’armée géorgienne et les groupes paramilitaires d’Ossétie du Sud se sont intensifiés, provoquant, le 10 août 2008, l’intervention des forces armées de la Fédération de Russie aux côtés de l’Ossétie du Sud. Dès le 12 août, un cessez-le-feu avait été négocié, alors que des crimes étaient encore commis. Le 10 octobre, la Russie acceptait de retirer ses forces.

Selon la Mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie (IIFFMCM), environ 850 civils ont été tués durant le conflit tandis que plus de 100 000 personnes étaient contraintes de fuir leur foyer.

En 2008, le Bureau du Procureur de la CPI a ouvert un examen préliminaire au sujet du conflit en Géorgie, qui était à l’époque toujours en cours. Le conflit a conduit en particulier au déplacement forcé de dizaines de milliers de Géorgiens. L’enquête et les poursuites liées au transfert forcé de populations d’une telle ampleur constitueraient une première importante pour la CPI.

Après avoir examiné la demande soumise le 13 octobre 2015 par le Procureur de la CPI en vue d’ouvrir une enquête, étayée par des soumissions déposées au nom de 6 335 victimes, la Chambre préliminaire de la CPI a conclu "qu’il y a[vait] une base raisonnable pour croire que des crimes relevant de la compétence de la Cour ont été commis en Ossétie du Sud et dans ses environs" et qu’il fallait ouvrir une enquête. On compte parmi ces crimes des crimes contre l’humanité, tels que le meurtre, le transfert forcé de population et la persécution ainsi que des crimes de guerre, tels que des attaques contre la population civile, l’homicide intentionnel, des attaques intentionnellement contre des soldats de la paix, la destruction de biens et le pillage, qui auraient été commis dans le contexte d’un conflit armé international entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008.

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