Géorgie : le Parlement doit rejeter le nouveau projet de loi sur les agents étrangers

27/02/2023
Déclaration
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Zura Narimanishvili via Unsplash

Paris-Genève, 23 février 2023 — L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits humains (FIDH-OMCT) alerte sur l’incompatibilité du projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère, initié par le groupe politique « Le Pouvoir au Peuple », avec les exigences régionales et internationales relatives aux libertés d’association et d’expression. Le Parlement géorgien doit rejeter ce projet de loi et veiller à ce que les organisations de la société civile et les médias indépendants ne soient pas catalogués comme « agents étrangers ».

Le mouvement Pouvoir au Peuple, proche du gouvernement et membre de la majorité parlementaire, a soumis le 14 février 2023 un projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère au Parlement géorgien. Le document contient des clauses qui portent sévèrement atteinte aux libertés d’association et d’expression dans le pays. Par ailleurs, son adoption menacerait sérieusement l’existence de voix dissidentes et indépendantes en Géorgie. Mais le porte-parole du parti au pouvoir, « Rêve géorgien », a déjà annoncé le soutien du groupe au projet de loi, affirmant que toute analogie avec la législation draconienne sur les « agents étrangers » de la Russie n’est que pur « mensonge ».

Loin s’en faut : si la loi est promulguée, tout organe de presse ou entité légale non-entrepreneuriale – soit la forme d’ONG la plus répandue en Géorgie – dont plus de 20% des revenus proviennent de sources étrangères devra être dénommé et enregistré en tant qu’« agent d’influence étrangère ». Ils se verraient également obligés de remplir une déclaration annuelle que le ministère de la Justice devra valider. Ces exigences sont proches de celles imposées par les récentes itérations de la loi russe, que la Cour européenne des droits de l’homme accuse de violer les libertés d’expression et d’association. Selon les initiateurs du projet de loi, ces clauses répondent au besoin des citoyens géorgiens de « distinguer les cas où l’influence [politique] est positive ou négative » sur le pays, afin qu’ils puissent « se construire leurs propres opinions sociales et politiques ». Cependant, les restrictions abusives sur le droit à la liberté d’association prévues par le projet auraient une incidence directe sur le débat public libre en Géorgie en cas de promulgation de la loi, qui serait utilisée pour réprimer les organes de presse et les ONG critiques envers le gouvernement.

Le projet de loi impliquerait également des exigences contraignantes en matière de déclarations pour les ONG et organes de presse, qui les exposeraient à des inspections gouvernementales illimitées et ce, qu’ils bénéficient de financements étrangers ou non. Le ministère de la Justice disposerait, par exemple, de pouvoirs discrétionnaires pour enquêter et avoir accès aux dossiers – données personnelles comprises – des organisations potentiellement considérées comme « agents d’influence étrangère ». En cas de non-respect des clauses du projet de loi, les organisations risquent des sanctions sévères, voire démesurées, pouvant s’élever jusqu’à 8500 €. Le projet de loi, officiellement enregistré auprès du Bureau du Parlement européen le 20 février 2023, sera étudié par les commissions parlementaires de défense et de sécurité puis des relations internationales, avant d’être débattu et voté par tous les groupes parlementaires.

L’Observatoire manifeste son inquiétude quant aux effets négatifs du projet de loi sur l’espace civique en Géorgie en cas de promulgation, et condamne la stigmatisation des organes de presse indépendants et des ONG. L’emploi d’un terme comme celui d’« agents d’influence étrangère » pour qualifier les organisations et médias de la société civile fait entrave à leurs activités et pollue le débat public. L’Observatoire exhorte également le Parlement de la Géorgie à rejeter le projet de loi sur la transparence de l’influence étrangère. Il appelle également les autorités à respecter, protéger et promouvoir les droits de liberté d’association et d’expression dans le pays, en accord avec les critères régionaux et internationaux relatifs aux droits humains, en particulier les articles 10 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, et les articles 19 et 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, ratifié par la Géorgie.

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