Violences policières en France : la FIDH et la LDH s’alarment

24/03/2023
Communiqué
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Crédit Anna Margueritat / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Paris, le 24 mars 2023. Les violences policières qui répriment le mouvement pacifique de lutte contre la réforme des retraites accompagnent une manœuvre politique contestable sur le plan démocratique, bien qu’autorisée par la Constitution, pour faire passer une loi sans majorité parlementaire. Elles posent deux questions essentielles : celle de la liberté de manifester et celle du devoir des États à garantir les droits et la sécurité de leur population. Après une manifestation gigantesque émaillée de nouvelles violences, la FIDH appelle à l’arrêt immédiat des violences policières et à la reprise d’un débat démocratique serein dans le respect des principes constitutionnels.

À la violence parlementaire et politique s’est ajoutée la violence policière. La réforme des retraites, conduite par le gouvernement français et dont le principal point de crispation est l’allongement de la durée du travail, a été passée « en force » grâce à un mécanisme constitutionnel qui permet de contourner le contrôle parlementaire sur un projet de loi jugé indispensable, urgent, et dont l’adoption est rendue difficile faute de consensus : l’article 49, alinéa 3 de la constitution.

L’utilisation de ce mécanisme aura constitué un aveu d’échec de la part du gouvernement français, incapable d’assurer une majorité à l’Assemblée Nationale, mais aussi le recours à une disposition exceptionnelle qui soustrait le travail législatif à la compétence du Parlement pour le transférer à l’exécutif. Supprimant au passage tout débat parlementaire, toute opposition et toute voix discordante.

La violence policière en écho au passage en force législatif

A Paris, des policier·es ont violemment pris à partie des manifestant·es pacifiques. Des brutalités particulièrement choquantes ont été filmées par plusieurs médias, par les observatoires indépendants initiés par la Ligue des droits de l’Homme (LDH), ainsi que par des manifestant·es. La FIDH et son organisation membre en France, la LDH, constatent également plusieurs gardes à vue arbitraires de militant·es retenu·es plusieurs heures au commissariat puis relâché·es sans aucune poursuite. Selon l’AFP, sur les 292 personnes placées en garde à vue en marge du premier rassemblement spontané jeudi, place de la Concorde, seules neuf ont été présentées au parquet, notamment pour des rappels à la loi. 283 procédures ont ainsi été classées sans suite, pour infraction insuffisamment caractérisée ou absence d’infraction.  

La LDH et la FIDH regrettent une généralisation de l’absence d’identification des policiers (port du RIO, pourtant obligatoire). L’inquiétude concerne encore les témoignages d’agressions sexuelles commises par des policiers sur des femmes, comme c’est le cas à Nantes. Elles s’élèvent enfin contre la pratique des « nasses » pour le maintien de l’ordre, une privation de liberté collective qui échappe à tout état de droit.

La FIDH tient à rappeler que les États sont les garants des libertés publiques, y compris de la liberté de manifester pacifiquement, d’exprimer son opinion et de faire grève. Ils sont également tenus à s’abstenir du recours arbitraire à la force dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. Ils ne peuvent y avoir recours qu’en dernier ressort. Et même dans ce cas, cela doit être fait de façon proportionnée, dans un objectif de maintien de l’ordre public et de sécurité. L’impunité dont jouissent les forces de l’ordre coupables de violence doit cesser, de même que les intimidations contre les grévistes. Tout abus doit faire l’objet d’une enquête approfondie et indépendante et mener à la poursuite des auteurs. La FIDH appelle le gouvernement français à ses devoirs en matière de respect des droits. Il doit préserver en toutes circonstances le débat démocratique, la participation publique et le respect du rôle de l’assemblée. Enfin, la FIDH apporte son soutien à l’appel à la mobilisation de la société civile de son organisation en France, la LDH.

L’état de droit, seul apaisement possible

« Les françaises, les français ont de bonnes raisons de ne pas se sentir respecté·es par leur gouvernement, » déclare Alice Mogwe, présidente de la FIDH. « Et le gouvernement français, qui ne perd que trop rarement une occasion de donner des leçons de démocratie et de respect des droits au reste du monde, devrait penser à être irréprochable sur ce point, comme sur celui des violences policières, parfaitement scandaleuses. »

« La LDH tire la sonnette d’alarme », a ajouté Patrick Baudouin, président de la LDH« Le glissement autoritaire de l’Etat français, la brutalisation des rapports sociaux par le truchement de sa police, les violences de tout ordre et l’impunité sont un scandale majeur. La LDH se mobilisera toujours contre ces pratiques et pour l’état de droit, seul chemin possible vers le retour à l’apaisement en France. »

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