La FIDH et ses partenaires imposent les droits humains à l’agenda de la visite du président égyptien à Paris

09/12/2020
Déclaration
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Pas de tapis rouge sans respect des droits humains, c’était le message de la FIDH et de ses partenaires lors de la visite du président égyptien à Paris, du 7 au 9 décembre. Malgré une forte mobilisation, Emmanuel Macron n’a pas repris cette conditionnalité à son compte, préférant plaider pour l’importance stratégique du partenariat franco-égyptien.

Quand nous espérions des annonces de libérations, nous apprenions grâce au collectif Disclose que le gouvernement français cherchait à torpiller le récent rapport parlementaire prônant un encadrement plus strict des ventes d’armes et citant l’exemple de l’Égypte et des risques juridiques que la France y a pris.

S’il y avait encore un doute, les priorités des autorités françaises sont donc claires. Elles ont été rappelées par le Président Macron lors de la conférence de presse conjointe avec son homologue égyptien : il s’agit de renforcer la coopération militaro-économique avec son « partenaire stratégique ». « Quoi qu’il en coûte » en matière de droits humains.

Revenons sur les arguments invoqués par le président français et analysons en quoi ils sont non seulement erronés, mais également dangereux pour la paix et la stabilité en Égypte comme dans la région :

1. Emmanuel Macron estime qu’il serait « inefficace » de conditionner la coopération économico-militaire avec l’Égypte au respect des droits humains. La récente libération des trois membres de l’ONG égyptienne EIPR suite à une mobilisation internationale sans précédent allant du Secrétaire général des Nations unies, à la Haut Commissaire aux droits de l’Homme, en passant par plusieurs procédures spéciales des Nations unies, sans oublier un grand nombre d’États occidentaux - parmi lesquels la France - et des personnalités telles que les actrices Scarlett Johansson et Emma Thompson, nous enseigne précisément l’inverse. Ce n’est qu’en conditionnant notre soutien que l’on peut obtenir du Général Al-Sissi des concessions sur le plan des droits humains.

2. Emmanuel Macron avance l’importance de ménager l’Égypte comme acteur de la stabilité régionale : nous nous inscrivons en faux contre cette analyse. En écrasant toute voix dissidente, les autorités égyptiennes essaient de contenir une contestation qui finira par exploser. Quasiment toutes les figures de la société civile en capacité de canaliser cette contestation de façon pacifique étant en prison, elle risque de prendre des formes violentes. L’inefficacité et les dérives de la lutte anti-terroriste dans le Sinaï témoignent également de l’aspect contre-productif de telles politiques.

3. Emmanuel Macron considère également que cette conditionnalité affaiblirait la capacité d’al-Sissi à mener sa lutte contre le terrorisme. Mais quand la plupart des défenseurs des droits humains sont jetés en prison sous l’accusation de terrorisme, il est indiscutable que Paris et Le Caire n’ont pas la même définition du terrorisme, ce qui oblitère l’efficacité de ce pan de notre coopération.

4. Ne pas conditionner les ventes d’armes et de matériel de surveillance au respect des droits humains par l’Égypte placerait la France en violation du traité sur le commerce des armes et de l’arrangement de Wassenaar qu’elle a signés et qui stipulent que « s’il existe un risque prépondérant qu’une exportation puisse faciliter une violation grave du droit international relatif aux droits humains » alors il faut suspendre l’exportation. À l’inverse, la poursuite de l’exportation du matériel permettant la répression en Égypte met la France dans la situation d’être potentiellement reconnue complice des crimes commis dans le contexte de cette répression.

5. Enfin, en positionnant sa politique étrangère sous un prisme de realpolitik privilégiant les relations économiques et militaires, il fait une erreur stratégique en rebours de son temps, reprenant les arguments des années 80 de Ronald Reagan qui refusait de conditionner l’aide américaine à l’Afrique du Sud à la lutte contre l’apartheid. Emmanuel Macron balaie ainsi trente années de politique européenne étrangère et de sécurité commune qui ont graduellement intégré les droits humains au cœur de l’intervention des États membres de l’Union européenne.

Nous attendons des actes et plus des mots. Et nous continuerons d’exiger la libération de toutes les personnes injustement détenues en Égypte.

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