Dati veut aussi supprimer les tribunaux internationaux

22/10/2008
Communiqué


À chaque charnier son terroir

Quatre conditions en acier blindé cadenassent la mise en oeuvre de la
disposition Pour que les poursuites soient possibles, il est d’abord exigé que
le criminel de guerre présumé ait eu le tact d’établir sa « résidence
habituelle » sur le territoire français. C’est-à-dire, selon le jargon
juridique, d’y avoir fixé « de manière stable, effective et permanente le
centre de ses attaches familiales et intérêts matériels ». Une trouvaille.

En Europe, seule la « simple présence » d’un suspect est requise
dans ce type de procédures. C’est ainsi que Pinochet a pu être arrêté alors
qu’il se trouvait à Londres pour des examens médicaux, le 16 octobre 1998. Et
en France, cette mesure est en totale contradiction avec l’actuelle législation
sur les crimes commis au Rwanda et en ex-Yougoslavie. Ainsi que sur les actes
de tortures alors qu’un « tortionnaire » de base risque aujourd’hui
de se faire coffrer dès qu’il vient passer un week-end en France, le
génocidaire, lui, pourra tranquillement goûter les charmes de notre pays tant
qu’il n’aura pas décidé de s’y « installer durablement ».

Une mesure innovante, qui va sérieusement enrichir le potentiel touristique
de la France en la transformant en destination de rêve pour criminels de
guerre. En plus, vu les trois autres conditions requises, les génocidaires ne
risqueront pas grand-chose à prolonger leur séjour de remise en forme dans
notre république.

France, terre d’asile pour génocidaire

La deuxième condition, par exemple, impose le principe de la « double
incrimination ». Traduction : les juridictions françaises ne pourront
enclencher de poursuites que si les crimes sont également punissables dans le
pays d’origine des suspects « Ce qui revient à dire que le génocide ne
sera pas punissable st la législation du pays ou il a été commis ne le prévoit
pas ! », résume le président de la CFCPI.

La plupart des crimes qui caracolent en tête du hit-parade des horreurs de
ce monde ayant ceci de particulier qu’ils sont souvent commis avec
l’assentiment — voire à l’instigation — des gouvernants du pays ou ils ont eu
lieu, les criminels de guerre soudanais peuvent donc rappliquer chez nous, en
toute sérénité. Ce n’est pas l’homme fort de Khartoum, Omar el-Bechir, qui leur
causera des ennuis judiciaires. « Idem pour les Russes, avec Vladimir
Poutine. A priori, quand on n’a pas ratifié le statut de la CPI, on est encore
moins enclin a poursuivre soi-même les crimes relevant de la compétence
universelle
 », s’énerve Karine Bonneau, responsable du bureau Justice
internationale à la FIDH, membre de la CFCPI.

Le troisième tour de clé est encore plus radical. Si la loi passe, le
monopole des poursuites contre les criminels étrangers sera confié au parquet.
C’est-à-dire, au ministère public. Voilà au moins une mesure qui a le mérite de
tout simplifier. Car si les victimes ne peuvent plus déclencher d’enquête
pénale, il n’y aura plus de procès du tout, résume Karine Bonneau.
« Sur la vingtaine de procès d’importance dans lesquels la FIDH est
partie civile, à chaque fois, ce sont les victimes qui ont été à l’origine des
procédures. Jamais le parquet…
 »

Le bouclage ne serait pas complet sans la quatrième et dernière précaution
ministérielle : « l’inversion du principe de complémentarité ». Le
nec plus ultra, permettant de faire l’économie d’intempestives et inutiles
procédures judiciaires. Selon le statut de la CPI, ce sont les tribunaux
nationaux qui, en priorité, doivent juger les responsables de crimes
internationaux. La Cour n’intervient qu’en cas de défaillance de leur part. Eh
bien, en France, on a décidé que, pour nous, ça allait se passer dans l’autre
sens. Si le texte est voté, les juridictions françaises devront d’abord
demander à la CPI de décliner expressément sa compétence, avant de pouvoir être
saisies. « Ce, qui va engorger la Cour internationale d’affaires
qu’elle n’a pas à connaître. Et l’étouffer de travail, puisqu’elle va devoir
étudier les dossiers que lui confie aimablement la France, pour pouvoir les
refuser. Autant d’affaires qui vont être différées. Voire jamais traitées

 », pronostique Karine Bonneau.

Comment engorger un tribunal

En résumé, la philosophie générale de cette compétence universelle « à
la française » repose sur l’axiome suivant : plus le crime est grave et
plus la France est bienveillante. Les cerveaux planificateurs de massacres qui
n’ont pas eu le mauvais goût de tremper directement leurs mains dans le sang de
leurs victimes n’auront donc rien à craindre de la justice française. Un grave
retour en arrière. Qui plus est, de très mauvais augure : d’ici à ce que
Rachida Dati décide de tout harmoniser par le bas en s’attaquant aussi aux
procédures visant les larbins tortionnaires ayant agi sur ordre...

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