« Nous avons tous quelque chose à cacher »

Par

Dan Van Raemdonck

  • Vice-Président de la FIDH
    Les droits de l’Homme s’inscrivent dans la perspective d’une tension entre
    l’individuel et le collectif. À partir d’une nécessaire estime de soi, le
    citoyen-acteur de droits s’ouvre à l’autre, dans une réciprocité de
    reconnaissance de dignité et de droits. C’est dans son contexte social qu’il se
    réalise. C’est également la communauté qui lui reconnaît et lui garantit sa
    dignité et ses droits. L’autre considéré non seulement comme un alter ego, mais
    surtout comme un alter égal. Pour régler harmonieusement ces échanges de
    reconnaissance, la considération et le respect d’un espace privé apparaît comme
    la garantie pour l’individu de pouvoir penser, être, exprimer et agir en toute
    autonomie et indépendance. Toute atteinte à l’espace privé met en danger la
    réalisation de soi et, par ricochet, la reconnaissance de l’autre.

Or aujourd’hui, les atteintes sont nombreuses. Ainsi, les combats menés
récemment par nos états contre des ennemis parfois réels, parfois
fantasmés ( le terroriste, l’organisation criminelle, l’intégriste
islamiste…) ont conduit à raboter la vie privée de manière scandaleuse et
disproportionnée, en faisant passer la pilule à coup d’instillation de peur et
de renforcement abusif du contrôle social. Vous avez dit paranoïa ? Si un
faisceau de présomptions peut constituer un début de preuve, je vous laisse
apprécier ce florilège non exhaustif : loi sur les organisations
criminelles, sur le terrorisme, sur les méthodes particulières d’enquête et de
recherche, transmission par des compagnies aériennes des données passager à
caractère personnel, constitution par des institutions étatiques ou par des
entreprises de banques de données croisées, généralisation et banalisation du
contrôle via les nouvelles technologies (puces RFID…), installation généralisée
de caméras de vidéo-surveillance, surveillance de voisinage ou par des agents
des services publics, incitation à la délation, instauration de couvre-feux …
toutes choses qui sont parvenues à faire abdiquer par le citoyen lambda une
partie de sa vie privée au prétexte inconsidéré qu’ « il n’aurait
rien à cacher ». Or, comme l’aurait écrit ce grand révolutionnaire de
Benjamin Franklin, " Those who would give up Essential Liberty to purchase
a little Temporary Safety, deserve neither Liberty nor Safety
"*.
Aujourd’hui s’impose d’urgence une redéfinition des limites des espaces — privé
et public — et la garantie du respect de la vie privée.

  • Quiconque serait prêt à sacrifier sa liberté fondamentale pour une
    petite sécurité provisoire ne mérite ni l’une ni l’autre.
    Egalement
    attribué à Richard Jackson
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