Solidarité avec le juge Baltasar Garzón

23/03/2010
Communiqué

Paris-Genève-Madrid, le 23 mars 2010. L’Observatoire pour la protection des
défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération
internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale
contre la torture (OMCT), a conclu aujourd’hui une mission de solidarité en faveur du
juge Baltasar Garzón en Espagne.

Cette mission a présenté une Lettre ouverte de solidarité avec le juge Baltasar Garzón
adressée aux autorités judiciaires espagnoles. Cette initiative est soutenue par 59
organisations de défense des droits de l’Homme de nombreux pays et par plus de 150
juristes, avocats, juges, professeurs universitaires et défenseurs des droits de l’Homme de
différentes nationalités.

La mission de solidarité était composée de M. Louis Joinet, avocat général honoraire de la
Cour de cassation française, ancien expert indépendant pour les Nations unies et ancien
rapporteur spécial des Nations unies pour la lutte contre l’impunité, M. Luis Guillermo Pérez
Casas, secrétaire général de la FIDH, et M. Francisco Soberón, directeur de l’Association
pour la défense des droits de l’Homme (APRODEH - Pérou).

La mission a demandé que l’enquête pénale ouverte contre le juge Baltasar Garzón pour
délit présumé de forfaiture soit classée sans suite, ce dernier ayant agi conformément au
droit international. Les chargés de mission ont également demandé qu’il soit clairement
établi que la Loi d’amnistie de 1977 ne s’applique pas aux crimes contre l’humanité, et que
l’Etat espagnol se conforme à son obligation d’enquêter sur ces crimes commis pendant la
dictature franquiste, en particulier les crimes de disparition forcée.

La lettre présentée montre la perplexité des signataires face à la décision du magistrat
instructeur de la seconde chambre du Tribunal suprême du 3 février 2010 dans la plainte
contre le juge Baltasar Garzón, décidant de poursuivre l’enquête judiciaire au motif que le
juge Garzón aurait commis le délit de forfaiture en assumant la compétence pour enquêter
sur les crimes du franquisme. On l’accuse d’ignorer consciemment la Loi d’amnistie de 1977,
le principe de non rétroactivité de la loi pénale, le principe de légalité et la prescription de
l’action pénale.

Le recours au délit de forfaiture contre le juge Baltasar Garzón est déconcertant, “l’opérateur
judiciaire ayant toujours - en soi - une marge d’appréciation dans l’application de la loi, et s’il
le fait pour répondre aux obligations des droits de l’Homme de l’Etat, ses agissements ne
peuvent pas être considérés comme déraisonnables ou contraires au droit, sous peine de
nuire aux bases de l’administration de la justice pénale dans l’enquête, la sanction, la
réparation et la prévention de tous types de crimes et en particulier de ceux qui revêtent un
caractère international”, comme le déclarent les signataires de la lettre.

Les signataires rappellent également l’impératif de justice que l’Espagne s’acquitte de sa
dette envers les victimes de la dictature franquiste ainsi que de ses obligations
internationales en matière de droits humains.

La mission a également pris connaissance d’autres plaintes contre le juge Baltasar Garzón
dans des affaires qui remettent en cause son interprétation de la loi pénale1. Il est normal de
questionner, d’annuler, de modifier ou de confirmer des décisions à travers les recours [1]
ordinaires disponibles. En revanche, faire appel à la persécution pénale du juge pour
sanctionner des interprétations différentes de l’application de la loi assoit un précédent
dangereux qui affecte l’indépendance des juges, pilier essentiel de l’administration de la
justice dans une démocratie et un Etat de droit.

La mission constate avec préoccupation que ces plaintes tendent à miner la crédibilité du
juge, son honneur et son engagement professionnel, et peuvent laisser entrevoir une
persécution orchestrée par des intérêts distincts à ceux de la recherche de la justice. La
mission a demandé combien d’officiers de justice ont fait l’objet de persécution pénale en
Espagne, pour des forfaitures présumées, parce qu’ils avaient des critères distincts dans
l’application de la loi pénale. Les plaintes contre le juge Garzón montreraient un
empressement sans précédent dans son admissibilité, qui laissent planer de sérieux doutes
quant aux motivations sur lesquelles se fondent les poursuites à son encontre.

Enfin, la mission et les signataires ont manifesté leur reconnaissance au juge Baltasar
Garzón pour son action en faveur des droits des victimes à la vérité, la justice et la
réparation au-delà des frontières espagnoles, se convertissant en un important bastion qui a
fait évoluer le droit international pénal ces dernières années.

Pour plus d’informations, merci de contacter :
· FIDH : Gaël Grilhot / Karine Appy : + 33 1 43 55 25 18
· OMCT : Eric Sottas : + 41 22 809 49 39

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