Les autorités bélarusses doivent libérer immédiatement et sans condition Nasta Loika, défenseure des droits humains, emprisonnée depuis le 28 octobre 2022, poursuivie pour incitation à caractère politique et autres accusations qui l’exposent à un maximum de 12 ans d’emprisonnement.
La défenseure a été la cible d’actes de torture, de traitements cruels, inhumains et dégradants par les autorités. Ces dernières ont également radié du barreau son avocate et refusent de remettre une attestation à sa successeure ; elles sont à l’origine d’une campagne de diffamation à son encontre, et ont ignoré les demandes sur son état émanant des missions de surveillance des droits de l’Homme des Nations unies.
Les organisations signataires condamnent fermement ce traitement et exhortent les autorités bélarusses à libérer Nasta Loika, à abandonner les accusations à son encontre, tout en lui garantissant l’accès à une défense indépendante, et mettant un terme au traitement cruel, inhumain et dégradant dont elle est victime.
Nasta Loika, prisonnière politique, est persécutée par les autorités bélarusses en représailles à ses activités de défenseure des droits humains de longue date. Depuis près de 15 ans, elle est activement engagée dans la défense des droits humains, en particulier sur les sujets relatifs à la lutte contre la discrimination et à l’égalité, à la tenue de procès équitables, aux droits des étranger·es et des apatrides, ainsi que l’éducation informelle aux droits humains. Elle est experte en matière de liberté de réunion, de mécanismes juridiques pour la protection des droits humains, de suivi de procès, de gestion de bénévoles, et dans la lutte contre les discours et les crimes haineux.
Elle a reçu le prix des défenseur·es bélarusses des droits humains de l’année 2022 par la communauté bélarusse de défense des droits humains en reconnaissance de son travail exceptionnel.
Ce n’est pas la première fois que Nasta Loika est la cible de persécutions par les autorités bélarusses en représailles de son travail, mais elles ont atteint un niveau de sévérité sans précédent depuis le mois de septembre.
Depuis le 6 septembre 2022, la défenseure des droits humains a purgé six peines de détention administratives de 15 jours au total sur la base de fausses accusations d’« actes de vandalisme mineurs » en vertu de l’article 19.1 du Code des infractions administratives de la République du Belarus. Le 24 décembre, alors qu’elle était toujours en détention administrative, elle a été mise en examen pour crimes en vertu de la section 1 de l’article 342 (« organisation d’actions en groupe troublant fortement l’ordre public ») et de la section 3 de l’article 130 (« incitation à l’hostilité et à la discorde raciale, nationale, religieuse ou sociale ») du Code pénal de la République du Belarus.
Torture et mauvais traitements au centre de détention d’Okrestina
Au cours de la détention administrative de Nasta Loika dans le centre de détention d’Oksrestina, connu pour les mauvais traitements infligés aux personnes détenues, elle s’est vue interdire l’accès à une assistance juridique ainsi qu’à des médicaments et des vêtements chauds. Elle aurait également été torturée et fait l’objet de traitement inhumain lors de sa détention. Elle explique, par exemple, qu’elle a été forcée à rester dans la cour, sans vêtements d’extérieur, pendant huit heures, par des températures inférieures à 10° C, suite à quoi, elle a été malade pendant plusieurs semaines.
En novembre 2022, les forces de police ont perquisitionné le domicile de la mère de Nasta Loika, cherchant, selon toute apparence, à accroître la pression sur la défenseure des droits humains.
Poursuite des mauvais traitements lors de la détention provisoire
Suite aux charges pénales qui ont été retenues contre la défenseure, elle a été transférée d’Okrestina au centre de détention provisoire de Volodarskogo, où elle continue de subir des conditions de vie dégradantes.
En février, elle a demandé des soins dentaires. L’administration du centre et le Comité d’enquête en charge de son dossier ont refusé d’accéder à sa demande. Lorsqu’au bout d’un mois, un dentiste a pu être trouvé grâce aux efforts acharnés des collègues et de la famille de Nasta Loika, le Comité d’enquête a interdit au dentiste de lui rendre visite pour la soigner.
En raison de son régime végétalien strict, il ne lui est pas possible de se nourrir convenablement dans le centre, faute d’options végétaliennes équilibrées : elle dépend donc des colis de nourriture en provenance de l’extérieur. En découlent de sérieuses inquiétudes pour sa santé ainsi qu’un risque à long terme pour son état physique et mental.
La défenseure des droits humains n’a le droit de recevoir de courrier que de sa mère, limitant ainsi fortement sa communication avec le monde extérieur. Les autorités en charge de l’enquête et les autorités pénitentiaires ne fournissent aucune justification au fait d’empêcher Nasta Loika de correspondre librement avec d’autres personnes, de recevoir des lettres et des cartes postales. Cette situation prive également le public d’en savoir plus sur ses conditions de détention.
Dans pareilles circonstances, les avocates de Nasta Loika sont un des rares canaux qui lui permettent de communiquer. Ces communications sont cependant de plus en plus limitées en raison de la persécution continue de ses avocates.
Accès à une défense juridique
En novembre, les autorités ont arrêté l’avocate de Nasta Loika, puis l’ont radiée du barreau. En mars, sa successeure n’a pas réussi à obtenir l’attestation de la Commission de qualification du ministère de la Justice, ce qui aura pour conséquence sa radiation du barreau. De tels actes de la part du gouvernement représentent une menace pour le droit à une défense juridique de la défenseure des droits humains et compromet gravement sont droit à un procès équitable. À titre d’exemple, quelques cas de persécution des juristes indépendants au Belarus sont détaillés dans un compte-rendu de l’initiative Right to Defense (Defenders.by).
Campagnes de diffamation
Depuis le début de la détention prolongée de Nasta Loika, elle est la cible d’une campagne de diffamation qui ne fait que s’intensifier. Elle vise également Human Constanta, le groupe de défense des droits humains pour lequel elle travaillait avant sa fermeture par les autorités. Le 20 décembre 2022, l’organe de presse étatique bélarusse « Belarus Today » a publié un article dans lequel Human Constanta était assimilé à un « réseau d’espionnage », et les défenseur·es des droits humains à des « rats », des « agent·es étrangers » et des « opposant·es du régime ». L’article est un amas de propagande et de discours haineux. Il illustre parfaitement la position partiale des autorités qui contrôlent les médias étatiques et décrit Nasta Loika comme une criminelle avant même que le fond de l’affaire n’ait pu être examiné.
Lors de la détention administrative de Nasta Loika, la chaîne Telegram de la Direction générale contre le crime organisé et la corruption du ministère des Affaires intérieures de la République du Belarus (GUBOPiK) a publié des vidéos de « confessions » enregistrées sous la contrainte. Elles ont été utilisées dans le cadre de la campagne de diffamation. À l’époque où il était encore possible de communiquer avec Nasta Loika, cette dernière avait déclaré que des employés du GUBOPiK l’avaient frappée, menacée d’utiliser des électrochocs et avait également menacé de tuer son chien si elle ne coopérait pas.
Réaction des acteurs internationaux
Le 17 novembre 2022, six experts des Nations unies ont demandé aux autorités bélarusses des informations sur les atteintes aux droits qu’aurait subies la défenseure des droits humains, Nasta Loika, ainsi que des explications sur les agissements du gouvernement.
Le 16 décembre 2022, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a enregistré une communication en provenance de Nasta Loika, faisant état d’atteintes à son droit à la liberté, à la sécurité et à un procès équitable. Le Comité a adopté des mesures provisoires la concernant, en vertu de la règle 94 de son règlement intérieur. Il demande notamment aux autorités bélarusses de lui fournir un accès immédiat à des soins médicaux dispensés par un praticien indépendant, y compris, si nécessaire, le transfert vers un centre médical adapté afin qu’elle y reçoive les soins adéquats, et que sa vie, son intégrité physique et mentale soient préservées, notamment en lui fournissant des vêtements adaptés aux conditions météorologiques, tant que l’affaire sera en cours d’examen.
Nasta Loika demeure en détention, dans l’attente de son procès. Les autorités bélarusses n’ont pris aucune mesure significative en réponse au courrier des experts des Nations unies et à la décision du Comité des droits de l’homme de mettre en place des mesures provisoires. La défenseure des droits humains continue d’être l’objet de traitements inhumains et dégradants. Elle demeure privée d’une hygiène, d’une alimentation et de soins corrects, suffisants et adaptés.