Les traitements inhumains et les menaces planant sur la vie des prisonniers politiques bélarusses doivent prendre fin

19/10/2011
Communiqué
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La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et son organisation membre au Bélarus, le Centre de défense des droits de l’Homme Viasna, condamnent fermement le traitement inhumain des prisonniers politiques dans les prisons bélarusses. Des sources fiables indiquent que les prisonniers politiques détenus au Bélarus subissent en permanence des pressions physiques et psychologiques, y compris des menaces de mort, des transferts injustifiés et des soins de santé épouvantables.

Menaces de mort et transferts injustifiés

Andreï Sannikau, ancien candidat à l’élection présidentielle, condamné à cinq ans d’emprisonnement le 1er mai 2011, a été soumis à une pression psychologique et physique constante de la part des autorités pénitentiaires bélarusses. Entre le 20 et le 30 septembre, Sannikau a été transféré de la colonie pénitentiaire de Navapolatsk à la colonie de Babruisk, via deux centres de détention : le centre N°2 de Vitebsk et le centre N°4 de Maguileu. Durant son transfert, Sannikau a été privé pendant de longues périodes de nourriture et de sommeil, ainsi que de tout contact avec ses avocats. Sa famille ne disposait d’aucune information quant à l’endroit où il se trouvait. Sannikau n’a réussi à rencontrer ses avocats qu’au centre de détention de Maguileu le 26 septembre. Lors de cette entrevue, Sannikau a informé l’un de ses avocats qu’un homme détenu avec lui dans ce même centre l’avait prévenu qu’il risquait d’être tué durant le transfert à Babruisk, ou bien à son arrivée sur place. Par conséquent, il s’opposait fermement à ce transfert, à moins que sa sécurité puisse être garantie. Sannikau fut tout de même transféré de force à Babruisk, le 30 septembre. Les autorités lui auraient demandé pourquoi il refusait d’améliorer sa situation en adressant une demande de grâce au président du Bélarus.

Zmitser Dashkevich, leader du mouvement de jeunesse « Le front de la jeunesse », a partagé une cellule avec Andreï Sannikau dans le centre de détention N°4 de Maguileu. Dashkevich, condamné à deux ans d’emprisonnement le 24 mars 2011, a lui aussi subi un grand nombre de transferts injustifiés. Il a été transféré de la colonie pénitentiaire N°9 de Horki (où il avait entamé une grève de la faim pour protester contre ses déplorables conditions de détention) à Glybokae, via les centres de détention de Vitebsk et de Maguileu. Après avoir croisé Dashkevich à Maguileu, Sannikau informa ses avocats que celui-ci était terriblement affaibli, aussi bien physiquement que mentalement. Dashkevich a lui aussi reçu des menaces de mort à travers un co-détenu dans une cellule de Maguileu, qui l’a prévenu qu’il serait probablement tué à son arrivée à la colonie pénitentiaire de Glybokae.

Pendant les transferts, la pression psychologique est intense. Des transferts non transparents et injustifiés peuvent être assimilés à des traitements inhumains. La FIDH et Viasna condamnent le secret et la coercition qui accompagnent ces transferts. Les deux organisations redoutent que les menaces de mort dont Sannikau et Dashkevich ont fait l’objet s’inscrivent dans une stratégie délibérée d’intimidation, dans un contexte où la communauté internationale s’efforce d’obtenir la libration inconditionnelle des prisonniers politiques.

L’absence de soins de santé adéquats

De plus, le 30 août, Dzmitry Bandarenka, un activiste de la campagne électorale d’Andreï Sannikau, a été transféré en dépit du fait qu’il souffrait d’un abcès dû à une complication post-opératoire. Ce transfert de la prison de la rue Valadarskaja à la colonie pénitentiaire N°15 de Maguileu a eu lieu dans le secret le plus total. Un tel déplacement était extrêmement dangereux pour Bandarenka, qui venait, début août, de subir une intervention chirurgicale sur la colonne vertébrale afin de retirer une hernie qui paralysait sa jambe droite. Bandarenka avait demandé une assistance médicale dès février 2011, mais ses demandes avaient été ignorées jusqu’en juin. Le 17 août, deux semaines après son opération, Bandarenka a été renvoyé de l’hôpital N°5 de Minsk vers la prison du ministère de l’Intérieur située rue Valadarskaja, sans passer par la réhabilitation nécessaire après une telle intervention chirurgicale. L’état de santé actuel de Bandarenka, et notamment l’abcès sur sa jambe, ne l’autorise pas à s’asseoir. Étant donné qu’il est interdit de s’allonger en détention, Bandarenka est obligé de passer des journées entières debout. Le 20 juin, un tiers de sa peine ayant été purgée, il a rédigé une requête demandant, conformément à l’article 91 du Code pénal, le remplacement de son châtiment actuel par un châtiment plus clément. La requête a été rejetée. L’épouse de Bandarenka ne sait pratiquement rien de l’état de santé de son mari.

Les informations portant sur le sort des autres prisonniers politiques sont également très parcellaires. L’ancien candidat à l’élection présidentielle Mikalai Statkevich, condamné le 26 mai à six ans de détention dans une colonie de haute sécurité, se trouverait actuellement dans la colonie pénitentiaire de Shklou. Son épouse, Maria Adamovich, a déclaré ne pas avoir eu de ses nouvelles depuis plus de trois semaines.

Ales Bialiatski, vice-président de la FIDH et directeur du Centre de défense des droits de l’Homme "Viasna", arrêté le 4 août 2011, pourrait être jugé avant la fin de ce mois. En dépit de presque mille cautions personnelles signées en sa faveur, les mesures préventives le visant continuent d’être appliquées, et c’est en prison qu’il attend son procès. Depuis le premier jour de sa détention, sa famille s’est vu refuser le droit de lui rendre visite et ses collègues redoutent que le procès soit organisé à huis clos afin d’empêcher toute observation extérieure.

Les pressions et les mauvais traitements contre les prisonniers politiques au Bélarus ont été condamnés à de multiples reprises par les institutions internationales, notamment, tout récemment, par les représentants de l’UE pendant le dernier Sommet du partenariat oriental à Varsovie, les 29-30 septembre.

La FIDH et le Centre de défense des droits de l’Homme "Viasna" rappellent avec force que la vie et la santé des détenus ne constituent pas des sujets de négociation politique. « Les traitements visant les activistes emprisonnés au Bélarus dont nous avons eu connaissance sont tout bonnement intolérables », a déclaré Souhayr Belhassen, la présidente de la FIDH.

La FIDH et Viasna appellent à :

 la libération inconditionnelle et immédiate de tous les prisonniers politiques, y compris le directeur de Viasna et vice-président de la FIDH Ales Bialiatski, et leur réhabilitation pleine et entière ;

 la réhabilitation et la restauration dans leurs fonctions des avocats ayant perdu leur license pour avoir fait leur travail ;

 et la cessation définitive de toute persécution à caractère politique.

Seuls de tels progrès et des changements apportés à la législation aujourd’hui employée par les autorités bélarusses pour réduire au silence toutes les voix critiques peut former la base d’un vrai dialogue politique et économique au Bélarus.

« Nous sommes profondément préoccupés par le fait que, malgré la libération de certains détenus politiques, les autorités bélarusses continuent de renforcer leur arsenal répressif », déclare Souhayr Belhassen. « L’approbation le 3 octobre 2011 par le Parlement bélarusse de plusieurs amendements au Code bélarusse de délits administratifs – des amendements qui établissent une responsabilité pénale non seulement pour des actions non autorisées, mais aussi, dans l’article sur les événements publics, pour une inactivité massive – illustrent jusqu’à l’absurdité la plus totale la volonté de l’État de prévenir toute tentative de libre expression. Seuls des changements substantiels dans cette tendance pourraient être considérés comme une garantie que la situation va réellement changer. »

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