LA CARICATURE DE L’AUTOCRATIE - LA SOCIETE CIVILE PRISE DANS L’ETAU

05/09/2001
Rapport
en fr

A la veille des élections présidentielles du 9 septembre 2001, l’étau législatif, administratif, policier et judiciaire visant à restreindre le champ d’action de la société civile, des ONG, partis politiques, syndicats et media indépendants de la ligne politique du pouvoir, s’est encore resserré.

La période pré-électorale a été l’occasion d’une crispation du pouvoir qui s’est manifestée par une répression accrue à l’encontre de tous les secteurs de la société civile qui émettent des opinions divergentes ou critiques à l’égard de la politique menée par le Président. C’est dans ce contexte que le 16 août 2001, le Ministère de la Justice a statué sur le caractère illégal du Centre d’initiative civique (regroupement d’ONG engagées dans la mise en place d’un réseau d’observateurs indépendants pour ce scrutin présidentiel), projet pourtant publiquement assisté et soutenu par la délégation locale de l’OSCE. Ce faisant, le régime bélarusse s’isole encore davantage de la communauté internationale et ses pratiques disqualifient à l’avance les résultats des élections du 9 septembre 2001, alors même que les sondages donnent Lukashenko gagnant dans tous les cas de figure.

La mission internationale mandatée par la FIDH et l’OMCT dans le cadre de leur programme conjoint, l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, qui s’est rendue en Bélarus du 14 au 21 juillet 2001, a mis l’accent dans le rapport publié ce jour sur le contexte politique et constitutionnel prévalant dans ce pays et sur les entraves à la liberté d’association et d’action des défenseurs des droits humains.

Depuis 1994, avec l’arrivée au pouvoir du Président Lukashenko et surtout depuis 1996, la situation des droits de l’Homme n’a cessé de se dégrader. En effet, à travers la réforme constitutionnelle, ce dernier s’est octroyé un ensemble de pouvoirs très large, qui associés à la dissolution du 13ème soviet suprême ont mis fin de facto au principe de séparation des pouvoirs. Le Président dirige le Bélarus, devenue une caricature d’autocratie, au moyen de décrets restreignant l’exercice des libertés fondamentales et ce, en totale contradiction avec les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme et la Constitution bélarusse, qui en reconnaît la primauté.

Le droit de former des organisations, de s’y affilier et d’y participer est systématiquement bafoué. L’exemple des syndicats est à cet égard particulièrement significatif (système d’enregistrement restrictif, ingérence dans les élections internes, création de syndicats contrôlés par la direction des entreprises....). Le droit de solliciter et de recevoir des fonds, et le droit de rechercher et publier des informations sur tous les droits de l’Homme est également violé. La presse indépendante notamment est placée sous un contrôle strict du Président et de son Administration présidentielle (accès à l’information officielle limité, instructions aux entreprises et administrations étatiques pour éviter de fournir des revenus publicitaires aux média indépendants, contrôle de l’Administration sur les grandes imprimeries, discriminations tarifaires à l’impression et à la distribution des journaux, confiscation de publications ...). Les libertés de réunion et de manifestation sont régies par des dispositions légales particulièrement limitatives. A Minsk, par exemple, les manifestations autorisées (incluant les grèves) ne peuvent généralement avoir lieu qu’à un seul endroit désigné par les autorités situé à 3km du centre ville. Les demandes d’autorisation de manifester doivent être déposées quinze jours avant sans garantie d’acceptation. Les inscriptions des banderoles sont strictement contrôlées (elles doivent être enregistrées) et l’utilisation de certains symboles (comme le drapeau historique du Bélarus) est interdite. Le décret n°11 adopté en mai 2001 à quelques mois des élections présidentielles interdit aux simples citoyens et autres mouvements non enregistrés le droit d’organiser de telles manifestations et multiplie les motifs d’interdiction des manifestations. En outre, les manifestants sont régulièrement poursuivis pour hooliganisme.

Tout est orchestré pour que les libertés d’expression et d’opinion soient baîllonnées. Le 18 juin 2001, Yuri Bandazhevsky, un scientifique de renommée internationale spécialisé dans la recherche médicale liée à la radioactivité nucléaire a été condamné à huit années de détention à régime sévère pour un motif de droit commun (pots de vins). Cette condamnation illustre la dérive. Loin d’avoir établi sa culpabilité, le pouvoir l’a puni arbitrairement pour ses travaux de recherche sur des effets néfastes de la catastrophe de Tchernobyl sur la population et surtout pour sa dénonciation, alors qu’il était le président de la commission d’enquête ad hoc, du détournement des fonds ministériels destinés à la recherche dans ce domaine.

Outre cet état de l’exercice des libertés associatives, ce rapport met en exergue quelques autres situations particulièrement graves. Le Bélarus figure en effet parmi les Etats qui recourent les plus fréquemment à la peine de mort, et les mauvais traitements et actes de tortures sont des pratiques assez courantes dans les prisons et les centres de détention préventive. Enfin l’élimination ou la "disparition forcée" de membres de l’opposition fait partie des pratiques du régime bélarusse.

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