Le bureau du Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’Homme a envoyé aux plaignants une copie du communiqué établi par la mission permanente de la République du Bélarus auprès des Nations Unies et d’autres organisations internationales à Genève. Ce document déclare que le Bélarus a mis fin à sa coopération concernant cette affaire, et n’acceptera aucune décision contraignante que pourrait prendre le Comité. Le gouvernement affirme dans un premier temps que cette plainte ne repose sur aucune base légale. Le gouvernement réitère également les réponses qu’il avait faites à la suite des plaintes déposées contre le Bélarus en 2010 et 2011 : le gouvernement bélarusse refuse de reconnaître les règles de procédure du Comité des droits de l’Homme ; par conséquent, les décisions du Comité ne seront pas considérées comme étant valides.
Valentin Stefanovitch, le directeur adjoint du Centre de défense des droits de l’Homme Viasna, a fait à ce propos le commentaire suivant :
« Cette réponse du gouvernement constitue une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de son Protocole optionnel ; deux documents qui ont pourtant été signés et ratifiés par le Bélarus.
À de multiples reprises, le Comité a expliqué ses décisions en rappelant que le fait de signer le Protocole optionnel au Pacte et de reconnaître que le Comité a toute autorité pour examiner des plaintes individuelles implique, de la part du gouvernement bélarusse, l’acceptation de l’obligation de coopérer avec le Comité. Si un gouvernement entreprend une action de nature à entraver ou influencer l’examen d’une plainte par le Comité, ou s’il rejette les Conclusions du Comité, il enfreint les obligations qu’il a contractées. C’est pourquoi un gouvernement ne possède pas l’autorité de s’opposer à l’examen d’une plainte déposée auprès du Comité. Un gouvernement ne peut pas justifier ses actions par la non-reconnaissance de la légitimité des règles de fonctionnement des procédures du Comité, puisque le droit de cette entité à établir ses propres procédures est inclus dans le texte même du Pacte.
Si le gouvernement estime que la plainte déposée dans l’affaire Bialiatski ne repose pas sur des bases juridiques suffisantes, il doit présenter ses objections dans le cadre de l’examen de la plainte réalisé par le Comité, et non pas cesser toute communication sur ce sujet. Le refus du gouvernement de communiquer à propos de l’affaire Bialiatski montre clairement que le gouvernement n’essaie pas de contester la plainte sur le fond ».
La plainte déposée au nom de A. Bialiatski sera examinée conformément au Protocole optionnel et à la pratique du Comité. Le cas échéant, le Comité prendra en considération les points soulevés dans la plainte auxquels le gouvernement n’a fait aucune objection.
Antoine Bernard, le directeur général de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), professeur associé de droit international de plusieurs universités de Paris, a fait le commentaire suivant à cet égard :
« Du point de vue du droit international des traités, le refus de coopérer avec une procédure ayant trait à une plainte déposée auprès du Comité des droits de l’Homme constitue de la part du gouvernement bélarusse une violation flagrante de ses obligations fondamentales. Cela est stipulé notamment dans l’article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, à laquelle le Bélarus ne peut être partie s’il ne respecte pas ses obligations envers le Protocole optionnel du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
De plus, en signant et en ratifiant le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la République du Bélarus s’est engagée à respecter les droits affirmés dans le Pacte et à garantir leur protection juridique. Or le Bélarus s’est rendu coupable à de nombreuses reprises de violations graves du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de son Protocole optionnel. Par exemple, il a ignoré la demande du Comité des droits de l’Homme des Nations unies de suspendre l’application de la peine de mort pendant que le Comité examinait les requêtes déposées par les personnes condamnées. Il existe également d’autres infractions. L’attitude adoptée à l’égard de l’affaire Ales Bialiatski confirme malheureusement cette tendance. Un tel irrespect des traités internationaux est inacceptable et équivaut de facto à un refus de coopérer avec les Nations unies. Cela détruit toute crédibilité de l’État bélarusse, qui viole non seulement les droits de ses citoyens au niveau local, mais aussi ses obligations internationales. »
Il apparaît clairement que l’attitude de l’État bélarusse envers l’examen d’une plainte concernant Bialiatski par un organe international s’inscrit dans la longue série de persécutions politiques perpétrées par l’État contre sa communauté des défenseurs des droits de l’Homme. Il s’agit de la continuation de la persécution brutale qui vise le plus célèbre des défenseurs bélarusses des droits de l’Homme, récompensé par de nombreux prix internationaux pour son combat constant pour la promotion des droits de l’Homme dans son pays. Condamné à quatre ans et demi d’emprisonnement dans un camp de travail de haute sécurité, Bialiatski fait l’objet en détention de pressions et de persécutions constantes.
Entre mars et juin 2012, l’administration de la colonie pénitentiaire où Ales Bialiatski purge sa peine a adopté trois mesures disciplinaires à son égard. Il a notamment été privé d’une visite longue durée de son épouse (sur les deux autorisées annuellement). Ces trois mesures ont eu pour effet qu’à la fin du mois de juin 2012, Ales a été qualifié de « contrevenant récidiviste » au règlement interne de la colonie. Cette qualification a rendu Ales non éligible à la loi « Sur l’Amnistie » adoptée par le Bélarus quelques semaines plus tard. Elle a également provoqué la réduction de la somme qu’il est autorisé à recevoir mensuellement sur son compte personnel pour acheter de la nourriture ou des biens de consommation courante. Cette somme est passée de cinq unités de base à une seule — c’est-à-dire de 500 000 à 100 000 roubles bélarusses (soit de 45 à 9 euros).
En août 2012, Bialiatski a fait l’objet de deux sanctions supplémentaires. Il a été privé du droit de recevoir un colis de nourriture (sur les deux autorisés annuellement) et d’une visite de courte durée (là aussi, sur les deux autorisées annuellement). Cela signifie qu’Ales ne pourra pas recevoir de visite ou de colis d’ici à la fin de l’année. Quant à la somme maximale dont il peut disposer sur son compte personnel pour les dépenses en détention, son niveau initial ne sera restauré qu’à la condition qu’Ales perde le statut de « contrevenant récidiviste ».
Ales travaille six jours par semaine à l’atelier de couture. Son salaire mensuel ne dépasse pas les 100 000 roubles bélarusses (environ 10-14 euros). Une fois décomptées les retenues sur salaire, il reçoit entre 17 000 et 45 000 roubles bélarusses (entre 1,5 et 4 euros).
Autre sujet de grande préoccupation : selon les témoignages de plusieurs personnes ayant été détenues dans la même colonie pénitentiaire qu’Ales Bialiatski, l’administration a interdit aux autres détenus de communiquer avec lui. Les prisonniers avec lesquels Bialiatski entre en contact sont convoqués auprès de l’administration pour des conversations ayant valeur d’avertissement, pendant lesquelles l’administration les informe des conséquences qu’ils affronteraient s’ils passaient outre le cordon sanitaire établi autour de Bialiatski. Ainsi, l’État a encore élevé le niveau d’isolement et de pression psychologique imposé à Ales Bialiatski. Non seulement il est maintenu dans des conditions de détention très dures d’une prison bélarusse de haute sécurité, mais en plus il est privé des visites de sa femme, a un accès limité à la nourriture et à son compte personnel en prison, et n’est pas autorisé à communiquer avec ses codétenus.
« À la veille du cinquantième anniversaire d’Ales, que notre collègue célébrera le 25 septembre derrière les barbelés, nous voulons souligner une fois de plus le caractère indiscutablement politique des persécutions dont il est la victime. Le refus de la République du Bélarus de coopérer avec un organe conventionnel des Nations Unies à propos de l’affaire d’Ales Bialiatski, et la répression et l’isolement auquel il est systématiquement soumis, en constituent une preuve supplémentaire », a déclaré Souhayr Belhassen, la présidente de la FIDH.