Elections au Bélarus : la répression continue

24/03/2006
Communiqué
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La Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) condamne les graves violations des droits de l’Homme perpétrées au Bélarus dans le cadre du processus électoral.

La FIDH a été informée que, dans la nuit du 24 mars 2006, le président Loukachenko a déclenché une opération de répression contre les manifestants rassemblés pacifiquement à Minsk sur la place d’Octobre.

A 3h40, la police bélarusse a encerclé entre 300 et 400 manifestants qui campaient sur la place depuis le 19 mars pour protester contre les fraudes qui ont entaché le scrutin présidentiel.

Toutes les tentes ont été détruites sauf une, laquelle a été montrée par la télévision officielle avec des journaux pornographiques, des drogues et de la vodka à l’intérieur. Un journaliste indépendant, témoin des faits, a vu les policiers mettre ces objets dans la tente.

Les manifestants ont été emmenés dans la nuit dans des bus et des voitures vers des centres de rétentions. Les mineurs ont été relâchés le matin du 24 mars. Les procès contre les adultes doivent débuter dans la journée.

La FIDH est extrêmement préoccupée par le sort des détenus. Elle rappelle en effet que le dirigeant du KGB, Stepan Sukhorenko, avait déclaré le 16 mars, avant même la tenue des élections, que les opposants préparaient un coup d’Etat et que ceux qui manifesteraient contre les résultats des élections seraient traités « comme des terroristes ».

La FIDH avait déjà réagi aux violations massives des droits de l’Homme perpétrées dans le cadre de la campagne électorale - arrestation d’opposants, propagande d’état, blocage de l’accès aux médias pour les candidats de l’opposition. Le déroulement du scrutin a été dénoncé par les observateurs, et notamment le recours au vote par anticipation et aux urnes itinérantes sans contrôle public. L’association Baltic Surveys, qui se préparait à organiser des « exit polls » a été victime d’actes d’intimidation.
Les résultats officiels des élections (83% pour Loukachenko, 6% pour l’opposant Milinkevitch) sont contestés par tous les observateurs indépendants, notamment ceux de l’OSCE et de la délégation ad hoc du Parlement européen.
Plusieurs dirigeants régionaux des partis d’opposition ont été arrêtés par la police le 19 mars à Vitebesk, Mogilov, Brest. A ce jour, 9 représentants officiels du principal candidat de l’opposition, Milinkevich sont détenus.

Des manifestations de contestation ont été organisées les jours qui ont suivi les élections. Selon les informations reçues, plus de 450 personnes auraient été victimes d’atteintes aux droits de l’Homme (arrestations et détentions arbitraires, mauvais traitements, condamnation à 10 à 15 jours de détention disciplinaire).

A titre d’exemple, 50 personnes ont été arrêtées les 20 et 21 mars pour leur participation à une manifestation pacifique. Le 22 mars, la police de Brest a condamné Vladimir Vialichkin, défenseur des droits de l’Homme, à 7 jours d’emprisonnement pour « désobéissance aux forces de l’ordre » alors même qu’il devait être libéré suite à 5 jours d’emprisonnement pour « usage de langage obscène sur la place publique ». Le 21 mars, le rédacteur en chef du magazine Nasa Niva a été condamné à 10 jours de prison pour « conduite contraire aux bonnes mœurs ». Depuis le 22 mars, la police détient Siarhei Satsuk et Siarhei Salash, deux membres du groupe de soutien au candidat de l’opposition Milinkevich dans un lieu inconnu. Ils ont été arrêtés par des hommes en civil et leurs proches sont sans nouvelles depuis. Il ne s’agit pas, semble-t-il, d’une situation isolée : le sort de certaines de personnes arrêtées depuis le 19 mars demeure en effet inconnu.

L’OSCE a dénoncé le déroulement des élections qui n’ont pas respecté les standards internationaux et mentionné, entre autre, « l’utilisation arbitraire du pouvoir étatique et de détentions arbitraires multiples ». L’OSCE fait état de violations des libertés d’association, d’expression et de manifestation. Le Rapporteur spécial de l’ONU sur le Bélarus, Adrian Severin, a condamné avec force les violations de droits de l’Homme perpétrées la veille, pendant et après le scrutin. L’Union européenne s’est déclarée favorable à l’adoption de sanctions à l’égard du Bélarus. « L’élection présidentielle était tout sauf libre et en règles », a déclaré Hans-Gert Poettering, membre du Parlement européen.

La FIDH appelle le gouvernement du Bélarus à cesser immédiatement toute forme de répression à l’encontre de ceux qui exercent leur liberté d’expression et de manifestation pacifique, ainsi qu’à mener une enquête sur les fraudes et les irrégularités constatées et recensées pendant les élections.

La FIDH appelle le gouvernement à respecter ses engagements régionaux et internationaux en matière de droits de l’Homme.

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