Une décision remarquable contre les Etats qui bafouent la liberté d’association.
Paris-Minsk, le 17 novembre 2014 – Par une décision qui fera date, le Comité des droits de l’Homme de l’ONU reconnaît officiellement que l’État du Bélarus a violé les droits d’Ales Bialiatski, president de Viasna et vice-président de la FIDH, garantis par les articles 9 (droit à la liberté et à la sécurité personnelle), 14 (droit à un procès équitable) et 22 (liberté d’association) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Cette décision qui fait suite à une communication individuelle adressée par l’épouse d’Ales Bialiatski, Natalia Pintchouk, représentée par Antoine Bernard, Directeur général de la FIDH, est un signal fort adressé à tous les régimes qui manipulent leur législation pour étoufer toute voix critique en violation de la liberté d’association.
La République du Bélarus a par trois fois, en 2007 et en 2009, refusé d’enregistrer le Centre de défense des droits humains Viasna, privant ainsi l’organisation membre de la FIDH de la possibilité d’ouvrir des comptes en son nom pour permettre le financement de ses activités. D’après les conclusions du Comité, les refus d’enregistrement officiel pour cause de non-conformité des documents présentés aux exigences du ministère de la Justice constituent des violations de la liberté d’association. Ces refus ont rendu les activités de l’organisation intérdites sur le territoire de la République du Bélarus et ont empêché ses membres de jouir de leurs droits. La condamnation d’Ales Bialiatski à une longue peine d’emprisonnement liée à l’obtention et à la dépense de moyens destinés à financer les activités de l’organisation qu’il dirigeait reposait ainsi sur une violation de la liberté d’association.
« Cette décision du Comité des droits de l’Homme, fondée sur le droit international, reconnaît la légitimité des activités du Centre de défense des droits humains Viasna et réhabilite pleinement son directeur Ales Bialiatski. » s’est réjoui Valentin Stefanovic, vice-président de Viasna.
Lors du procès, les tribunaux bélarusses avaient réfuté les preuves démontrant que ces moyens avaient été affectés précisément aux buts indiqués, et n’avaient pas examiné l’affaire du point de vue de la garantie du droit à la liberté d’association. Dans de telles circonstances, le Comité a jugé que les poursuites pénales contre Ales Bialiatski constituaient une violation de ce droit.
Le Comité a également jugé arbitraire le maintien en détention d’Ales Bialiatski pendant l’enquête préliminaire, dans la mesure où la décision de son arrestation avait été prise par un procureur et non par un tribunal, et n’était fondée que sur la gravité des charges retenues contre lui et non pas sur des faits témoignant de la nécessité de cette mesure.
Le Comité a également reconnu que la présomption d’innocence d’Ales Bialiatski avait été violée lors des poursuites pénales engagées contre lui. Il a pour ce faire mis en avant les affirmations des médias d’État et les déclarations du président proclamant la culpabilité d’Ales Bialiatski avant sa condamnation, et le fait qu’il avait été enfermé dans une cage lors des audiences de son procès et avait été systématiquement amené menotté au tribunal.
La décision du Comité indique qu’Ales Bialiatski a le droit de bénéficier de recours juridiques appropriés : le réexamen de la demande d’enregistrement officiel déposée par Viasna, l’effacement de la condamnation de son casier judiciaire, et une compensation adéquate comprenant le remboursement des amendes qu’il a été condamné à verser. En outre, le Comité a décidé que l’État devait réviser sa législation sur les associations de manière à la mettre en conformité avec l’article 22 du Pacte.
« Le Comité a communiqué cette décision à l’État, lequel est dans l’obligation de mettre à la disposition de Bialiatski les moyens d’exercer les recours indiqués » a déclaré Karim Lahidji, président de la FIDH. « Cette décision est fondamentale pour Viasna, les organisations bélarusses de défense des droits humains et le respect de la liberté d’association dans le monde alors même que de nombreux régimes tentent d’étouffer toute voix critique. »
La décision du Comité représente un précédent. Elle démontre clairement que les actions d’un État destinées à faire obstacle aux activités d’une organisation de défense des droits humains — du refus d’enregistrement officiel de l’association au déclenchement de poursuites pénales contre ses membres pour avoir exercé leur droit d’association — constituent une violation du droit international. Aucune manipulation de la législation intérieure par les organes de l’État ne peut dissimuler ces violations à la communauté internationale.
Nos organisations considèrent que cette décision offre une source d’arguments juridiques d’autorité face à la pression toujours plus grande dont font l’objet les défenseurs des droits humains et leurs organisations .