Verrouillage de la société civile et de la justice : le système Aliyev

14/11/2002
Rapport
en fr

Le Président Aliyev, après avoir rétabli au milieu des années 90 une certaine stabilité politique, a très vite bloqué le processus de démocratisation au profit du renforcement de son propre pouvoir.

La mission internationale de la FIDH, qui s’est rendue à Bakou (Azerbaïdjan) du 4 au 9 juillet 2002 a pu en effet constater que le Président Aliyev avait mis en place une stratégie de neutralisation de toute forme d’opposition sociale et politique y compris en ayant recours à la force. La répression policière du mouvement social de protestation de Nardaran le 3 juin 2002 est à cet égard exemplaire. Aux fins de faire taire les revendications sociales des villageois, la police a tiré sur la foule tuant l’un d’entre eux, et a arrêté 18 manifestants et leaders de l’opposition locale lesquels ont fait l’objet de mauvais traitements. Pour se justifier, les autorités présentent ces mouvements sociaux comme des mouvements politiques d’intégristes islamistes manipulés par l’Iran.

Les méthodes les plus diverses sont utilisées par les plus hautes autorités pour se maintenir à tout prix au pouvoir :
 manipulations électorales et législatives comme dernièrement avec l’organisation du référendum du 24 août fixé par décret présidentiel, seulement deux mois avant sa tenue et sans consultation préalable avec le Parlement, sur le fond comme sur la forme ;
 harcèlement à l’encontre des ONG et des médias ;
 pressions exercées sur les leaders de l’opposition (arrestations et détentions arbitraires, harcèlement judiciaire, licenciements abusifs, manifestations et réunions interdites, difficultés dans l’enregistrement des partis d’opposition, raids visant les bureaux des partis d’opposition). Début octobre plus d’une dizaine de membres du Parti démocratique d’Azerbaïdjan et du Parti Musavat ont été arrêtés et condamnés à plusieurs jours de détention. Ils ont finalement été relâchés le 5 octobre sous la pression des américains.

Cette stratégie s’accompagne inévitablement d’une détérioration de la situation des droits de l’Homme.

Si le Président donne des gages en matière de protection des droits de l’Homme au niveau international et régional (ratification des principaux instruments de défense des droits de l’Homme, adoption de législations sous le contrôle des experts du Conseil de l’Europe, vagues successives de libérations de prisonniers...), ces gages ne sont que partiels et servent même d’alibi pour masquer l’absence d’indépendance de la justice et les violations flagrantes des libertés fondamentales.

L’exemple du nouveau procès des trois prisonniers politiques, MM. Gamidov, Gumbatov et Gaziyev, en donne une parfaite illustration. Ces trois détenus, reconnus comme prisonniers politiques par le Conseil de l’Europe, sont effectivement re-jugés sous la pression de cette institution dont l’Azerbaïdjan est membre depuis 2001, mais dans des conditions qui ne garantissent pas le droit à un procès juste et équitable. Leur procès se tient dans la prison où ils sont détenus et la mission a recensé les violations suivantes : absence de présomption d’innocence, absence de publicité des débats, atteintes aux droits de la défense, et des conditions de détention dégradantes...

Les autorités refusent toujours de les considérer comme des prisonniers politiques. Ces procès, en cours depuis le mois de mai 2002, relèvent plus de la mascarade judiciaire et le verdict semble connu d’avance. En septembre, durant la session de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, le fils du Président, M. Ilham Aliyev, a qualifié ces derniers de « terroristes » utilisant ainsi le contexte international pour contrecarrer les critiques.

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